« Quand l’Etat s’en va » 1/5. Le départ de l’armée puis le redécoupage des régions au tournant de 2014 et 2015 ont mis à terre l’ancienne capitale de la Champagne-Ardenne.
C’est en quelques mois, au tournant de 2014 et de 2015, que Châlons-en-Champagne (Marne) a vu son ciel, plutôt paisible jusqu’alors, lui tomber sur la tête. Brutalement, comme une vilaine grêle, qui ravage les grappes avant les vendanges, dans les vignes voisines. « Cela a été un triple choc. Un choc psychologique, un choc économique, et un choc démographique », énumère Bruno Bourg-Broc, le président (naguère RPR, UMP, puis LR, aujourd’hui sans étiquette) de l’agglomération.
La première tempête a été la dissolution du 1er régiment d’artillerie de marine (Rama) et de l’état-major de la 1re brigade mécanisée (BM) : 1 003 militaires ont plié bagage, selon les chiffres officiels, avec leurs 338 conjoints et conjointes, et leurs 612 enfants. Une saignée, pour une ville d’environ 45 000 habitants et une agglomération de 80 000 âmes.
Puis, comme si cela n’était pas suffisant, voilà qu’est arrivée la réforme territoriale, où François Hollande a décidé à Paris de redécouper les régions à la hâte. La capitale de la Champagne-Ardenne, prise de court, a dû rendre les armes face à un poids lourd. C’est Strasbourg, avec son aura de métropole européenne et ses atours de belle bourgeoise, qui a gagné la bataille du nouveau Grand-Est, agglomérat XXL composé de feues les Champagne-Ardenne, Alsace et Lorraine. Déjà groggy, Châlons-en-Champagne s’est pris un nouvel uppercut.
Beaucoup de villes ont subi la perte d’équipements publics – une poste, une gare, un tribunal, une perception, une maternité… Mais peu de cités ont eu à affronter, coup sur coup, deux pertes qui remettent en cause, au fond, plus que des services ou des emplois : une part de son identité.
Réveil rude
M. Bourg-Broc, vieux gaulliste de 74 ans, a été maire de la ville 1995 à 2014. Il a connu les belles heures et les plus sombres. Pour décrire ce que fût naguère Châlons, il en appelle aux « vieux dictionnaires ».« La définition était toujours la même, raconte-t-il. Une ville épiscopale, militaire et administrative ». Un havre de stabilité, donc, même si cela fait longtemps que l’évêché a perdu de son aura. L’Etat jouait les amortisseurs, douillet édredon protecteur, quand bien même la désindustrialisation, ici comme ailleurs, faisait doucement son œuvre.
Il y a quatre ans, le réveil a donc été rude. « Le déclin a commencé dans les années 1970. Mais on était anesthésié. On pensait qu’il ne pouvait rien arriver dans une ville de fonctionnaires. On marchait sur une jambe. Aujourd’hui, cette jambe, elle a une entorse à la cheville et une autre au genou ! », s’emporte Bruno Forget, le président de l’Union commerciale industrielle et artisanale (UCIA).
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