La réforme du Plan d’épargne retraite populaire, comme des autres produits d’épargne retraite, est sur les rails. Avec à la clé plus de souplesse. Il n’est pas certain que cela soit suffisant pour donner un attrait supplémentaire à ce placement.
Exit, la rente viagère obligatoire. Les détenteurs d’un plan d’épargne retraite populaire (Perp) pourraient à l’avenir choisir, à la retraite, entre la perception d’une rente à vie ou d’un capital. Alors que jusqu’ici, la rente était imposée pour au moins 80 % des montants (à l’exception des plus petits Perp).
Cette nouvelle liberté de choix, qui concernerait une grande partie des versements effectués sur les produits d’épargne retraite, figure dans la réforme de l’épargne retraite, présentée dans le cadre du projet de loi Pacte (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), qui doit être discuté au Parlement à partir de fin septembre et qui vise, notamment, à la rendre plus flexible.
Déblocage anticipé
Parmi les autres changements prévus pour ce produit souscrit individuellement : autoriser le déblocage anticipé du Perp pour l’achat de la résidence principale, alors que l’argent est normalement bloqué jusqu’à la retraite et ne peut être récupéré que dans des cas exceptionnels (décès du conjoint, etc.).
Pas question en revanche de modifier l’avantage fiscal dont bénéficient les versements Perp, qui doivent rester déductibles des revenus, dans une certaine limite. La fiscalisation de ces sommes a lieu au moment du dénouement du Perp, lors de la retraite, alors que le foyer est souvent moins imposé que durant la vie active. « Une déduction très intéressante d’autant que les dispositifs fiscaux se font rares », souligne Nadia Dhaoidi, directrice du pôle produits et services de Cyrus Conseil.
Ces deux nouveautés assoupliront sans conteste le dispositif, dont disposaient, fin 2016, environ 2,3 millions de personnes. Parviendront-elles pour autant à convaincre davantage d’épargnants à souscrire un Perp ? Les experts sont divisés.
« La retraite est un sujet qui tient à cœur de nombreux de nos clients mais l’impossibilité de récupérer en capital plus de 20 % de son Perp est aujourd’hui un facteur bloquant », souligne Sabine Jiskra, conseillère en gestion de fortune à l’Institut du patrimoine. « Je pense donc que ces mesures doperont les souscriptions. »
Etre prudent avec les montages fiscaux
« Parmi les personnes ayant intérêt à réduire leur imposition mais pour qui la rente est un frein, certaines pourraient effectivement être incitées par la réforme », note quant à lui Cyrille Chartier-Kastler, fondateur de Good Value for Money, « même s’il convient d’être très prudent avec tout montage fiscal qui requiert de connaître votre fiscalité lors de votre départ à la retraite, celle-ci étant difficile à anticiper ».
« L’équation ne change pas fondamentalement pour le Perp, qui demeurera cantonné à un marché étroit, celui des cadres supérieurs d’un certain âge, souhaitant défiscaliser leurs revenus », estime de son côté Philippe Crevel, qui dirige le Cercle de l’épargne. « Les autres n’y trouveront toujours aucun intérêt. D’autant que la réforme ne lève qu’une partie de la rigidité du Perp, qui reste un produit tunnel. »
« Comment faire en sorte qu’un trentenaire qui n’est pas fortement fiscalisé se pose la question de l’épargne longue ? La réforme ne donne pas de réponse », renchérit Nadia Dhaoidi. « Pour que la réforme soit intéressante, encore faut-il que vous ne perdiez pas, à la sortie, les avantages fiscaux obtenus à l’entrée », ajoute Anthony Calci, conseiller en gestion de patrimoine à Paris. J’attends de voir dans les décrets d’application comment seront traitées les sorties en capital en matière d’impôt sur le revenu.
Fiscalité moins favorable
Aujourd’hui, les rentes Perp sont imposées au barème de l’impôt sur le revenu, après un abattement de 10 %. Ce serait a priori encore le cas après la réforme. Pour les sorties en capital, l’épargnant peut actuellement demander à bénéficier d’une option très souvent avantageuse : le prélèvement forfaitaire libératoire de 7,5 %, calculé après un abattement de 10 %.
Après la réforme, le gouvernement prévoit une fiscalité moins favorable : si pour la partie gains du capital constitué (les produits des placements), l’épargnant pourrait choisir entre le barème et le prélèvement forfaitaire unique (30 %, prélèvements sociaux compris), la partie constituée des versements serait forcément imposée au barème.
Les épargnants débloquant leur Perp pour acheter leur maison seraient soumis aux mêmes règles. Si ces modalités fiscales ne figurent pas dans le projet de loi et ont vocation à être précisées plus tard, Bercy nous a confirmé ses intentions. Ce n’est pas une surprise, le gouvernement avait annoncé sa volonté de favoriser fiscalement la rente par rapport à la sortie en capital.
L’objectif est de dissuader l’usage de cette option. On ne l’interdit pas, on ne la favorise pas non plus, résume un proche du dossier au ministère. Qui précise toutefois que l’effet sur l’impôt sur le revenu du retraité pourrait être atténué par un fractionnement du retrait.
Mauvaise foi
« Il faudra regarder avec chaque client s’il a intérêt à se lancer, selon sa situation fiscale actuelle et de l’imposition qu’il anticipe pour sa retraite », réagit Stéphane Absolu, directeur du pôle expertise patrimoniale de Cyrus Conseil. « Mais dans tous les cas il y a une certaine mauvaise foi à créer une possibilité de déblocage ou de sortie en capital qui ne serait pas intéressante fiscalement et donc peut-être peu utilisée au final. Reste à voir comment les élus vont s’emparer du sujet lors du débat au Parlement ».
Mickaël Mangot, spécialiste de l’économie comportementale et des biais psychologiques des décisions financières, se montre, lui, plus optimiste : « Ces produits retraite contrarient aujourd’hui totalement la préférence des épargnants pour le présent, mais aussi pour la liquidité et l’autonomie. Si la préférence pour le présent est difficile à contrer, autoriser la sortie en capital et ajouter un cas de déblocage anticipé peut avoir un effet important sur le sentiment d’autonomie et de contrôle de son épargne ».