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Ben Krishna, University of Cambridge

La question de savoir si les virus sont vivants reste controversée, cependant, comme tous les êtres vivants, ils évoluent. Ce fait est apparu très clairement au cours de la pandémie de SARS-CoV-2, le coronavirus responsable du Covid-19 : de nouveaux variants préoccupants ont émergé régulièrement, venant bousculer l’actualité.

Certains de ces variants se sont révélés plus efficaces que les précédentes versions du SARS-CoV-2 pour se propager d’une personne à l’autre et ont fini par les supplanter, devenant dominants.

Cette capacité de propagation améliorée a été attribuée à des mutations de leur protéine Spike (les protubérances en forme de champignon situées à la surface du virus). Ces protéines Spike mutées se lient plus fortement aux récepteurs ACE2 situés à la surface de nos cellules (notamment celles qui tapissent nos voies respiratoires). Or le virus s’attache à ces récepteurs pour entrer dans les cellules et commencer à s’y répliquer.

Ces mutations ont permis aux variants Alpha puis Delta de devenir dominants au niveau mondial. Et les scientifiques s’attendent à ce que la même chose se produise avec Omicron.

Un virus ne peut cependant pas s’améliorer indéfiniment…

Omicron, « meilleure » version possible du SARS-CoV-2 ?

Les lois de la biochimie font que le SARS-CoV-2 finira par développer une protéine Spike se liant à l’ACE2 aussi fortement que possible. À partir de là, la capacité de propagation du virus ne sera plus limitée par son aptitude à se fixer à nos cellules ; d’autres facteurs viendront limiter sa diffusion, tels que la vitesse de réplication de son génome, celle à laquelle il peut pénétrer dans la cellule et la quantité de nouveaux virus qu’un humain infecté pourra produire et disséminer.

En principe, tous ces facteurs devraient finir par évoluer vers des performances maximales.

Omicron a-t-il atteint cet apogée ? Il n’y a, pour l’heure, aucune raison de penser que tel est le cas… Les études dites de « gain de fonction », qui examinent les changements dont le SARS-CoV-2 a besoin pour se propager plus efficacement, ont identifié de nombreuses mutations potentielles qui amélioreraient la capacité de la protéine Spike à se lier à nos cellules. Or Omicron ne les possède pas. En outre, des améliorations pourraient être encore apportées à d’autres aspects du cycle de vie du virus, comme la réplication du génome, ainsi que je l’ai mentionné plus haut.

Mais supposons un instant qu’Omicron est bien le variant « ultime », celui dont la capacité de propagation est maximale… Et si, limité par les probabilités génétiques, Omicron ne pouvait bénéficier de nouvelles améliorations ? De la même manière que les zèbres n’ont pas développé d’yeux à l’arrière de leur tête pour éviter les prédateurs, il est en effet plausible que le virus du Covid ne puisse pas atteindre son maximum théorique : il devrait pour cela obtenir toutes les mutations potentielles nécessaires en même temps – ce qui serait par trop improbable.

Toutefois, même dans un scénario où Omicron serait le meilleur variant en termes de propagation entre humains, de nouveaux variants continueraient à apparaître, et contourneraient nos défenses immunitaires.

Après une infection virale, le système immunitaire s’adapte en produisant des anticorps, qui se fixent sur l’intrus pour le neutraliser, et des lymphocytes T (des cellules immunitaires qui détruisent les cellules infectées). Les anticorps sont de petites molécules protéiques qui reconnaissent spécifiquement certaines portions du virus, tandis que les lymphocytes T reconnaissent les cellules infectées car elles présentent à leur surface des motifs moléculaires résultant de l’infection. Si les mutations subies par le SARS-CoV-2 changent suffisamment son « apparence », il se peut donc que nos défenses immunitaires ne le reconnaissent plus.

C’est pourquoi Omicron réussit apparemment si bien à infecter des personnes déjà immunisées, que ce soit par la vaccination ou par une infection antérieure : les mutations qui permettent à sa protéine Spike de mieux se lier à nos récepteurs ACE2 réduisent également la capacité des anticorps à reconnaître le virus et à le neutraliser.

En revanche, les données de Pfizer suggèrent que les lymphocytes T devraient répondre de la même manière à Omicron et aux variantes précédentes. On a en effet observé qu’en Afrique du Sud, où la plupart des gens sont immunisés, le taux de mortalité du nouveau variant est plus faible.

C’est un point important à souligner : une exposition passée semble donc encore protéger contre les formes les plus graves de la maladie et contre le risque de décès. Nous sommes donc dans une situation de « compromis » : le virus peut se répliquer et réinfecter d’anciens malades, mais ceux-ci ne développent pas de signes cliniques aussi graves que la première fois.

Futur possible

C’est là que réside l’avenir le plus probable de ce virus. Même s’il se comporte comme un joueur professionnel et finit par maximiser toutes ses statistiques, il n’y a aucune raison de penser qu’il ne sera pas néanmoins contrôlé et éliminé par le système immunitaire. Les mutations qui améliorent sa capacité de propagation n’augmentent pas dramatiquement le nombre de décès.

Ce virus au mieux de ses capacités pourrait alors juste continuer à muter de manière aléatoire, se modifiant suffisamment au fil du temps pour que les défenses immunitaires, adaptées à de précédents variants, ne le reconnaisse plus suffisamment, ce qui se traduirait par des réinfections.

Nous pourrions avoir une saison de Covid chaque hiver, tout comme nous avons déjà une saison de grippe à la même période. Les virus de la grippe peuvent également présenter un profil de mutation de ce type, connu sous le nom de « dérive antigénique » : leurs modifications, à mesure que le temps passe, entraîne des réinfections. Les virus de la grippe qui résultent chaque année de ce processus ne sont pas nécessairement « meilleurs » (plus performants) que ceux de l’année précédente, mais simplement suffisamment différents pour échapper à l’immunité acquise précédemment.

Le meilleur argument en faveur de cette éventualité pour le SARS-CoV-2 est peut-être que le HCoV-229E, un coronavirus qui provoque un rhume classique, a déjà évolué en ce sens.

Omicron ne sera donc pas le variant final, mais il pourrait être le dernier variant dit « préoccupant » selon la terminologie de l’OMS. Si nous avons de la chance (et il faut ici rappeler que l’évolution de cette pandémie est difficile à prévoir…), le SARS-CoV-2 pourrait devenir un virus endémique, qui mute lentement au fil du temps.

La maladie résultante entraînerait probablement des signes cliniques modérés, puisque la ou les expositions antérieures auraient forgé une immunité capable de limiter la probabilité d’hospitalisation et de décès. La plupart des gens s’infecteraient alors une première fois enfants, avant ou après une vaccination, et les réinfections ultérieures seraient à peine remarquées… Un nombre restreint de scientifiques continuerait à surveiller les modifications génétiques du SARS-CoV-2, mais les variants préoccupants appartiendraient désormais au passé. Jusqu’à ce qu’un autre virus franchisse à son tour la barrière des espèces…

Ben Krishna, Postdoctoral Researcher, Immunology and Virology, University of Cambridge

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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