Dix mille personnes à Madrid, des milliers à Barcelone et Bilbao, des centaines à Séville, Valence, Grenade... De nombreux Espagnols et Espagnoles ont investi la rue, jeudi 26 avril, pour crier leur colère contre le verdict dans le procès de "La Meute", un groupe de cinq hommes jugés pour viol en réunion". S'ils ont été condamnés, leur peine fait réagir : ils ont écopé de neuf ans de prison pour "abus sexuels", les juges ne retenant pas la qualification de viol.
En novembre, le procès de cette agression commise pendant les fêtes de San Fermin à Pampelune, en juillet 2016, avait déjà déchaîné les passions. Après l'annonce du verdict, les hashtags de soutien à la victime, une jeune fille de 18 ans, ont envahi les réseaux sociaux. #YoSiTeCreo ("Moi, oui, je te crois"), #JusticiaPatriarcal ("Justice patriarcale") ou encore #EstaEsNuestraManada ("Voici notre meute"), en référence au surnom glaçant que se donnaient les cinq hommes.
L'indignation a aussi gagné le monde politique. "Si ce qu'a fait 'La Meute' n'est pas de la violence en groupe contre une femme sans défense, qu'entend-on alors par viol ?", s'est interrogé
Parce que ce fait divers est sordide
Lors de son procès en novembre, la victime, qui témoignait à huis clos, a raconté comment elle avait été piégée, le 7 juillet 2016, pendant les très populaires fêtes de Pampelune, célèbres pour leurs courses de taureaux. Sa journée avait commencé normalement – elle avait fait la fête avec des amis, dansé, bu de la sangria – jusqu'à ce qu'elle se retrouve seule sur un banc. Là, un jeune homme l'avait approché, lui parlant de football et de tatouages. Puis elle avait suivi le groupe, cinq jeunes hommes alors âgés de 24 à 27 ans, embrassé un garçon, sans "penser qu'allait se produire ce qui s'est produit", selon sa déclaration publiée par la presse.
Les cinq accusés l'entraînent alors dans l'entrée d'un immeuble et lui imposent des fellations et des pénétrations sans préservatifs. Tous membres d'un groupe de discussion sur WhatsApp intitulé "La Manada" ("La Meute"), ils y mettent en ligne une vidéo de la scène, accompagnée du message "en train d'en baiser une à cinq". Sept minutes seulement s'écoulent entre la rencontre sur un banc et l'agression.
Ils finissent par laisser leur jeune victime de 18 ans à demi-nue, après avoir subtilisé son téléphone. Ce vol est la seule chose que les accusés reconnaîtront au procès. La jeune Madrilène est découverte, en larmes sur un banc et sans moyen de contacter ses amis, par un couple qui contacte la police. Les membres de "La Meute" sont arrêtés le lendemain et sont restés en détention depuis.
Ces faits ont d'autant plus choqué l'Espagne que ce n'est pas la première affaire à mettre en lumière les agressions sexuelles et viols commis lors des fêtes de San Fermin. Lors de l'édition 2008, une jeune infirmière de 20 ans avait été tuée à Pampelune parce qu'elle résistait à son violeur. En 2016, rappelle le Guardian (en anglais), des milliers de personnes avaient manifesté pour dénoncer les violences sexuelles lors de ces fêtes.