Etat, entreprises et « secteur pluriel », plutôt que « société civile », sont les trois piliers de l’équilibre des démocraties dans le monde, explique l’universitaire Henry Mintzberg dans une tribune au « Monde ».
Tribune. Que doit faire la France à présent ? Elle a rejeté l’extrême droite (à la différence de la Hongrie, du Brésil et des Etats-Unis) comme l’extrême gauche (contrairement à la Russie et au Venezuela), ainsi que les populismes des deux bords. Elle s’est ancrée au centre – c’est ce qu’il semblait, en tout cas – autour de la démocratie libérale. Et, à présent, voyez ce qui s’est passé.
La promesse de la démocratie libérale est que libérer les marchés libère les sociétés. Comparée à ce qui se passait autrefois, la démocratie a tenu parole, plus ou moins. La marée montante a de fait hissé de nombreux bateaux. Ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, les yachts qui sont dessus écrasent les youyous qui sont dessous. Confortés par le dogme économique selon lequel l’avidité est une bonne chose, les marchés sacrés, et les gouvernements suspects, les vainqueurs ont réussi à remplacer les valeurs humaines par la valeur actionnariale.
Grâce aux médias sociaux et à une presse liée aux groupes industriels, ainsi qu’aux tactiques de financement politique (en particulier aux Etats-Unis, où la Cour suprême a légalisé la corruption), ils ont biaisé les campagnes électorales et corrompu les gouvernements. La démocratie libérale est ainsi devenue un oxymore : elle n’est plus socialement libérale et représente au contraire une menace pour la démocratie.
« Diviser pour régner est la grande règle du jeu de la mondialisation »
Les récents événements survenus en France ont mis nettement en relief le scénario de la mondialisation. Les marchés libéralisés accroissent surtout la puissance des grandes multinationales, auxquelles nul gouvernement n’a les moyens suffisants de s’opposer. Cela permet aux grandes entreprises de se moquer des souverainetés nationales et des communautés locales.
Diviser pour régner est la grande règle du jeu de la mondialisation : obtenir d’un pays qu’il réduise les impôts sur la richesse, et les autres n’auront d’autre solution que de s’aligner. Ce qui affame les gouvernements, lesquels sont à leur tour contraints de réduire les mesures de soutien au reste de la population, tout en instaurant des formes de taxation régressives – par exemple sur le diesel. Ce qui accroît encore les difficultés de beaucoup de ceux que les pratiques mêmes de la mondialisation ont déjà mis à genoux : fragilisation de la sécurité de l’emploi pour maintenir des salaires peu élevés et licenciements en masse à la moindre baisse du prix de...
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