C’est une obligation depuis la dernière loi de 2011 : tous les sept ans au moins, la France doit réviser sa législation en matière de bioéthique. Le processus sera officiellement lancé jeudi 18 janvier avec l’ouverture d’Etats généraux qui doivent durer jusqu’au 7 juillet. L’objectif de ces six mois de débats, organisés par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) ? Eclairer le législateur, qui devra déposer un projet de loi à l’automne afin de mettre à jour les textes.
Les évolutions très rapides de la science interrogent sur l’attitude à avoir face à de nombreuses innovations : faut-il autoriser, interdire, contrôler ces pratiques ? Conditions du début et de la fin de vie, limites de l’intervention médicale sur le vivant… Les thèmes abordés, sensibles, intéressent militants, chercheurs, religieux. Les débats qui s’ouvrent seront donc vifs. Tour d’horizon des principaux enjeux.
- Procréation médicalement assistée
C’est la question politiquement centrale, dont le président du CCNE, Jean-François Delfraissy, redoute qu’elle éclipse toutes les autres. Faut-il ouvrir l’accès de la procréation médicalement assistée (PMA), aujourd’hui réservée aux couples hétérosexuels infertiles, aux couples de femmes et aux femmes seules ? En la matière, ce n’est pas la science qui a évolué, mais la société. « La question avait été abordée lors des précédents Etats généraux [préalables à la loi de 2011], au même titre que la gestation pour autrui et l’anonymat des donneurs de gamètes, mais brièvement et de façon très abstraite, observe la sociologue au CNRS Dominique Mehl. Le débat sur le mariage pour tous a tout changé. »
La France a alors découvert que des milliers de femmes, en couples ou célibataires, avaient déjà recours à la procréation avec don de gamètes à l’étranger. Des médecins ont admis publiquement orienter leurs patientes vers des cliniques étrangères, bien que ce soit interdit par la loi. Le CCNE s’est déclaré en faveur de cette ouverture en juin 2017. Tout comme le président de la République, Emmanuel Macron, même s’il ne veut pas « brutaliser les consciences ». Or, religieux et groupes conservateurs s’y opposent. L’ouverture poserait une série de questions en cascade : la gratuité du don pourrait-elle être maintenue si la demande de gamètes mâles augmente, alors que le déficit est déjà criant ? Cette pratique serait-elle remboursée par la Sécurité sociale ?
La possibilité de conserver pour soi-même des ovocytes, en vue d’une grossesse ultérieure, devrait également être abordée. Aujourd’hui, elle n’est autorisée qu’en cas de don. La question divise : certains y voient une liberté supplémentaire pour les femmes, d’autres une fausse promesse.