Alors que le procureur général de Pennsylvanie a révélé l'existence de documents accablant le Vatican, les évêques américains étalent au grand jour leurs divisions. Illustration d'une Église américaine secouée par les scandales de pédophilie.
Le Vatican était au courant que des prêtres catholiques de l'État de Pennsylvanie dissimulaient les abus sexuels qu'ils commettaient sur des enfants, a déclaré, mardi 28 août, le procureur général de l'État concerné, Josh Shapiro, lors d’une émission télévisée.
Selon lui, les diocèses de Pennsylvanie ont systématiquement nié les accusations d'abus sexuels sur des milliers d'enfants, alors qu’ils documentaient secrètement les cas d'abus auprès du Vatican.
Dans un rapport de 884 pages, découlant de deux années d'enquête et instruit le 14 août par le ministère public, Josh Shapiro a décrit dans le détail les sévices commis par près de 300 hommes d'église sur une période de 70 ans. Le dossier se fonde sur des archives conservées par les diocèses, des confessions manuscrites notamment, a expliqué le procureur général.
"Il y a des exemples spécifiques pour lesquels, lorsque les abus ont eu lieu, les prêtres mentaient aux paroissiens, mentaient aux forces de l'ordre, au public, mais ils documentaient tous les abus dans des archives secrètes qu'ils partageaient souvent avec le Vatican", a-t-il déclaré à l'émission The Morning Show, sur la chaîne CBS.
Dans certains cas, "le Vatican était au courant des abus et était impliqué dans leur dissimulation", a ajouté Shapiro, sans préciser si le pape François ou ses prédécesseurs étaient personnellement au courant.
Linge sale en public
Ces nouvelles révélations interviennent, alors que le souverain pontife a été accusé, samedi, d'avoir couvert les abus sexuels du cardinal Theodore McCarrick. Ce dernier a démissionné en juillet.
Une mise en cause qui témoigne des divisions au sein de l’Église américaine, plusieurs cardinaux et évêques affichant ouvertement leur opposition. Les uns, dont les cardinaux de Newark et de Chicago ou l'évêque de San Diego ont défendu le pape, dénonçant les "insinuations" ou "l'idéologie" de son accusateur, Carlo Maria Vigano, l'ex-ambassadeur du Vatican aux États-Unis. D'autres, au contraire, comme le cardinal Raymond Burke, figure de proue des prélats conservateurs américains posté à Rome, ont fait valoir la crédibilité des allégations de Carlo Maria Vigano.
Pour Paul Elie, chercheur au Berkley Center for Religion, Peace and World Affairs à l'université de Georgetown, l'étalage de ces dissensions est la conséquence du style "non autoritaire" du pape François, qui permet à des voix dissonantes de s'exprimer au grand jour.
"Pendant des décennies, les évêques devaient parler d'une seule voix. Mais ce n'est plus le cas et il y a beaucoup de désaccords sur beaucoup de sujets... Et les désaccords sur ces questions [de sexualité] sont beaucoup plus profonds que d'autres", souligne le chercheur, interrogé par l’AFP.
Symptomatique de l’ère Trump
Cette exposition publique de divergences, autrefois débattues à huis clos, illustre aussi la polarisation du débat public. "C'est une caractéristique de notre époque [...] Tout est maintenant au grand jour", explique Frank Clooney, professeur de théologie comparée à l'université de Harvard. "Cela fait partie de l'ère Trump dans laquelle nous vivons, personne ne se retient."
Si des "positions extrêmes" - telles la demande de démission du pape François émanant d'ultra-conservateurs et l'idée d'éradiquer la hiérarchie catholique émanant de personnes plus à gauche - peuvent dorénavant s'exprimer publiquement, une majorité de catholiques ne s'y reconnaît pas, estime-t-il.
Interrogé par l’AFP, Dennis Doyle, théologien à l'université de Dayton, affirme néanmoins que l’Église catholique américaine "s'est déplacée à droite politiquement ces dernières années". Au point que certains, côté démocrate, qualifient désormais la hiérarchie catholique de "parti républicain qui prie". Certains prélats ont notamment fait de la bataille contre l'avortement ou le remboursement par l'assurance-santé de la contraception des thèmes clés. Mais de tous les thèmes actuels, "le plus unificateur est leur attaque contre l'homosexualité", dénoncée comme "une hérésie", alors même qu'elle est de plus en plus acceptée dans la société américaine, dit-il.
Si les prélats traditionalistes haussent le ton maintenant, estime Dennis Doyle, c'est aussi parce qu'avec les récentes nominations de cardinaux opérées par François, le pape "est proche d'atteindre une majorité" favorable à sa vision. Ce qui laisse entrevoir la poursuite de sa méthode et de sa doctrine lorsque l'heure viendra d'élire un nouveau pape.
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