Le cercle des fiscalistes dans une tribune au « Monde » estime que deux récentes décisions de justice constituent de lourdes menaces pour les contribuables et porte l’insécurité fiscale à un niveau rarement atteint.
Tribune. La prévention de l’habileté fiscale a inspiré aux parlementaires, à l’occasion du vote de la loi de finances pour 2019, la décision de soumettre à la procédure de répression de l’abus de droit le contribuable, simple particulier ou entreprise, qui, pour un motif principalement fiscal – et non plus exclusivement fiscal – fera d’une disposition une application détournée des objectifs que les auteurs de cette disposition avaient assignés à celle-ci.
L’intéressé supportera alors un rappel correspondant à l’économie qu’il a cru à tort pouvoir réaliser en toute légalité, augmenté nécessairement des intérêts de retard et probablement d’une pénalité de 40 % ou 80 %. Cet aménagement, appelé à sanctionner les manquements commis à compter du 1er janvier 2020 va confronter les contribuables à deux difficultés majeures. D’abord, à quoi reconnaît-on qu’une opération poursuit un objectif principalement fiscal ? En particulier, faut-il craindre que soit ainsi qualifiée, lorsqu’un choix se présente entre deux solutions différemment tarifées, la décision d’opter pour celle qui est fiscalement la moins coûteuse ?
Ensuite, comment reconnaît-on que le résultat obtenu est contraire aux objectifs du texte lorsque, comme c’est souvent le cas, aucun objectif déterminé n’apparaît dans les travaux préparatoires de cette disposition ? Les réponses sont entre les mains de l’administration sous le contrôle du juge. Les contribuables ont donc lieu de s’inquiéter si celle-ci n’apporte pas rapidement les apaisements dont ils ont besoin. C’est chose faite s’agissant des donations avec réserve d’usufruit.
Un enjeu fiscal
Un communiqué du ministère des finances du 19 janvier 2019 précise que ces opérations ne sont pas contestables sur la base de la nouvelle définition de l’abus de droit. Mais là n’est pas le seul sujet d’inquiétude. L’administration aura beau chercher à se montrer rassurante, elle ne pourra pas, même animée de la meilleure volonté, dissiper d’un trait de plume la multitude des hésitations susceptibles de se présenter en pratique dans les opérations comportant un enjeu fiscal.
C’est donc finalement sur le juge fiscal que reposera le règlement des nombreux points laissés en suspens. Or, on sait que la gestation des contentieux prend du temps, trop de temps en tout cas pour éclairer les opérateurs au moment où ils doivent prendre leurs décisions. On en vient à se demander s’il était bien nécessaire d’ouvrir cette boîte de Pandore alors qu’il aurait sans doute suffi de compléter, là où cela était jugé nécessaire, la panoplie des multiples dispositions que contient déjà le code général des impôts pour contenir l’optimisation fiscale.
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