Maryse Joissains-Masini, maire (LR) d’Aix-en-Provence, 75 ans, a crié au complot politique et à l’acharnement judiciaire, lundi 14 mai, devant le tribunal correctionnel de Montpellier, où elle était jugée pour détournement de fonds publics et prise illégale d’intérêt. « Le combat politique fait rage dans les Bouches-du-Rhône, et mon territoire a besoin de mon honnêteté, de ma rigueur, de ma conscience, de mon esprit combatif », s’est exclamée l’élue en réponse à la sévérité des mots du procureur Dominique Sie. « La sanction des urnes, c’est une chose, mais la sanction d’un comportement social déviant d’une personne en qui les gens ont placé leur confiance, ce doit être une sanction pénale à la hauteur de la gravité des faits. Et c’est grave lorsqu’on fait sa chose des deniers publics dont on sait la rareté. » Le procureur a requis contre elle dix-huit mois de prison dont neuf mois avec sursis et dix années d’inéligibilité.
Le procureur de la République d’Aix-en-Provence avait sollicité la délocalisation de ce procès. C’est donc à Montpellier que « Maryse », comme la nomme le monde politique local, a eu à s’expliquer sur la promotion turbo de son chauffeur et sur le recrutement contesté d’une collaboratrice dédiée à la maltraitance animale.
« Personnage-clé du clientélisme »
A Aix-en-Provence, tout le monde connaît Omar Achouri, 65 ans, le chauffeur de la maire, un temps son attaché parlementaire et véritable « guichet des doléances » auprès duquel les Aixois s’adressent pour régler un tas de petits problèmes. Maryse Joissains-Masini ne cache pas le lien amical très fort qu’elle entretient avec ce fils de harki, « quelqu’un de valeureux, qui fait honneur à la fonction publique ». En 2013, elle avait obtenu de la commission d’aptitude paritaire qu’il soit promu au rang d’attaché territorial de cadre A au salaire de 4 400 euros, alors qu’Omar Achouri figurait en 46e position de la liste des cadres pouvant prétendre à cette promotion. Du « jamais-vu » pour nombre de hauts fonctionnaires territoriaux…
Face à la présidente du tribunal, Carole Daux, Mme Joissains-Masini a défendu vigoureusement ce choix que la cour administrative d’appel avait annulé pour erreur manifeste d’appréciation de la valeur et de l’expérience professionnelle de l’intéressé. « Omar a un engagement total. Non seulement il était chauffeur, mais il faisait un travail considérable. Il me facilitait les choses dans mes déplacements dans les quartiers populaires. Il travaillait beaucoup et bien, alors que j’ai des chefs de service… ce n’est pas formidable. »
Aux yeux de certains, le chauffeur est « un personnage-clé du clientélisme dans le pays d’Aix ». Bâton de maréchal, récompense du vieux soldat, avaient glosé les hauts cadres de la mairie, l’un d’eux s’exclamant même, sur une écoute téléphonique, en apprenant que Mme Joissains-Masini avait exigé la promotion de son chauffeur au rang d’attaché territorial : « Elle est folle ! Elle déconne ! »
« Promotion anormale »
« Ce n’est pas du clientélisme, ce n’est pas du favoritisme, dans mon esprit ce n’est pas du tout ça », s’est défendue avec beaucoup de fermeté la maire d’Aix, invoquant une notion de « promotion sociale ». Le procureur a évoqué, lui, une « promotion anormale », « une appréciation de la situation de M. Achouri erronée de façon manifeste et criante », uniquement « destinée à gratifier un proche ».
Jugée aussi pour détournement de fonds publics en raison de l’embauche d’une collaboratrice à son cabinet de présidente de la communauté du pays d’Aix, Mme Joissains-Masini a reconnu que « c’est peut-être aveuglée par [son] amour des animaux » qu’elle avait agi. Cette militante de la cause animale avait été recrutée alors que cela n’entrait pas dans les compétences de la collectivité territoriale et qu’un service municipal existait déjà à la ville d’Aix pour les chiens et chats errants et maltraités. « Je n’ai pas pensé une seconde que le fait d’embaucher un collaborateur pour la cause animale pouvait être reprochable ». Et l’élue d’expliquer que sa collaboratrice était disponible le week-end, tard le soir, « toujours prête à intervenir même dans les caves lors des combats de chiens ou de coqs. Et ça, je ne peux pas le demander à un fonctionnaire ».
Omar Achouri et cette collaboratrice, simples témoins assistés durant l’instruction, ont bénéficié d’un non-lieu, au grand dam du procureur, qui a « déploré qu’ils ne soient pas devant le tribunal pour répondre de recel ». Un choix procédural qui, aux yeux de Me Alain Roustan, défenseur de l’élue, montre bien qu’« on veut condamner à tout prix [la maire d’Aix] au terme d’une procédure lancée juste au moment où se profilaient les élections municipales de 2014 sur le fondement d’une lettre anonyme. Mais voilà dix-sept ans qu’elle est élue par la population d’Aix, et il doit bien y avoir une raison », a ajouté l’avocat. Jugement le 18 juillet.