Poutine affiche son pessimisme et le clergé russe appelle à la prière… Au moment de donner le coup d’envoi de son mondial, organisé pour la première fois en Russie, la "Sbornaïa" aborde la compétition avec des incertitudes à tous les niveaux.
Éviter l’humiliation à tout prix. La Russie, pays organisateur du Mondial-2018, va donner le coup d’envoi de la compétition, jeudi 14 juin, lors d’un match d’ouverture déjà capital face à l’Arabie saoudite. Capital car les Russes abordent la Coupe du monde avec anxiété, et la peur bleue de subir l’affront ultime d'une élimination au premier tour de son propre mondial.
Et pour cause, la "Sbornaïa" n'a remporté aucun de ses matches de préparation disputés en 2018. Elle n’a remporté aucun de ses 7 derniers matches, dont 6 organisés à domicile, tout en encaissant à chaque fois au moins un but. Il s’agit de la pire série de matches consécutifs sans victoire de son histoire. Un bilan terne qui n’a pourtant pas eu raison du sélectionneur Stanislav Cherchesov, l’ancien gardien moustachu du Spartak Moscou, en poste depuis 2016.
"Le niveau de la sélection russe est loin d’être extraordinaire, elle fait partie des pays qualifiés les moins bien classés selon les critères de la Fifa (66e), rappelle Xavier Chemisseur, envoyé spécial de France 24. Il n’y a pas beaucoup de passion autour de cette équipe, il manque cet enthousiasme patriotique qui accompagne généralement le pays organisateur d’un mondial, or pour en bénéficier, il faut que les résultats soient à la hauteur des attentes, et jusqu’ici les joueurs russes n’ont pas fourni de grandes prestations pendant leur préparation".
Poutine pessimiste
Conscient des doutes et du scepticisme général qu’ont provoqué les dernières sorties de la sélection, l'attaquant Artem Dzyuba a lancé un appel à la mobilisation générale autour de l'équipe nationale, tout en accusant les journalistes de "se comporter agressivement" contre la sélection "alors que le tournoi n'a pas débuté".
Le président russe en personne, Vladimir Poutine, pourtant réputé fier, a fait part de son pessimisme en reconnaissant mercredi que son pays avait peu de chances de faire bonne figure dans la compétition. "Concernant notre sélection, je dois reconnaître un fait: malheureusement, elle n'a pas eu de grands résultats dernièrement. Mais nous espérons (...) que la sélection jouera dignement, montrera un beau football, intéressant et moderne, et se battra jusqu'au bout", a-t-il déclaré dans une interview à la télévision chinoise, retranscrite sur le site du Kremlin.
Même son de cloche du côté du clergé russe. Le patriarche Kirill, chef de l'Église orthodoxe russe, a appelé les fidèles à prier pour que la sélection russe s'en tire avec un jeu "digne".
"J'espère que ce grand événement se déroulera avec succès et aura un effet positif sur les gens, a confié le patriarche lors d'une réunion des responsables de l'Église à Moscou, cité par l'agence publique TASS. Cela va dépendre en grande partie du jeu de notre sélection. Ici, il ne reste qu'à espérer et prier pour que tout soit correct et digne, et, bien sûr, espérer une bonne préparation de nos sportifs", a-t-il ajouté.
Andrei Kanchelskis, l’ancien milieu russe et ailier de Manchester United explique dans un entretien accordé au site Goal.com, les raisons de cette crise que traverse la Russie, qui se passionne plus volontiers pour le sport roi du pays, le hockey sur glace. "Malheureusement, beaucoup de dilettantes travaillent dans le football et tuent justement le football, année après année. Ça devient de mal en pis. Et puis nos joueurs ne jouent pratiquement plus à l'étranger comme à notre époque. Ils laissent cuire dans leur jus et ne progressent absolument pas. Et c'est pour cette raison qu'il y a tant de manquements en sélection", déplore-t-il. En trois participations à une Coupe du monde depuis la chute de l’Union soviétique, demi-finaliste en 1966, les Russes n’ont encore jamais franchi le premier tour.
Une sélection sans leader
Sans véritable leader ni star, avec seul un joueur évoluant dans un championnat majeur, Denis Cheryshev ailier du club espagnol de Villarreal, la Russie devra se surpasser dans le groupe A qui, en plus de l’Arabie saoudite, compte l’Uruguay d’Edinson Cavani et l’Égypte de Mohamed Salah. Deux nations qui ont le vent en poupe et qui sont réputées pour vendre chèrement leur peau.
Critiqué, voire parfois raillé pour ses choix, le sélectionneur s’est voulu rassurant avant le début de la compétition. "J'ai le sentiment que pour le match contre l'Arabie saoudite, tout se passera comme il le faut", a promis Stanislav Cherchesov devant la presse.
Pour celà, les demi-finalistes de l’Euro-2008, dernier coup d’éclat du football russe, pourront s'appuyer sur la technique d’Alan Dzagoev, le milieu de terrain du CSKA Moscou et sur le sens du but de l’attaquant-vedette de Krasnodar Fyodor Smolov. En espérant qu’un résultat positif lors de leur match d’ouverture puisse créer une dynamique et réanimé un public déprimé.