« Le Monde » a demandé à des contributeurs de tous horizons de proposer, chaque jour, une idée pour changer la France. Jacques Boulesteix, ancien président du fonds public d’investissement PACA, propose une solution de justice fiscale en transferant le produit de l’ISF à la Banque Publique d’Investissement (BPI).
Tribune Affecter annuellement le produit de l’ISF à la Banque Publique d’Investissement (BPI) serait une bonne solution, à la fois pour répondre au souhait des Français de le rétablir, et faciliter le financement des entreprises françaises. La BPI est en effet un investisseur majeur dans notre pays. Elle finance plus de 4 000 start-up chaque année et a injecté en 2017 dans l’économie française 20 milliards d’euros de crédits, d’entrées au capital directes ou via des fonds partenaires, ou en garanties de prêts.
Elle a montré que les fonds publics sont particulièrement efficaces pour le financement de l’économie, et notamment des projets à risque. Elle avait été précisément créée, après la crise de 2008, pour pallier les difficultés de financements des entreprises par des fonds privés et les banques. Ce souci persiste aujourd’hui. Car, il n’est pas évident que les liquidités libérées par la suppression de l’ISF irriguent l’investissement dans l’industrie, les services, et surtout l’innovation.
Le comité d’évaluation, installé officiellement en décembre, le dira. Mais il y a forcément de la perte en ligne, tant les produits de placements bancaires internationaux sont attractifs et qu’aucune obligation de réinvestissement national n’existe. De surcroît, non seulement la suppression de l’ISF a entraîné la perte de 3 milliards d’euros de recettes fiscales pour l’Etat, mais elle a également asséché d’un milliard d’euros la niche fiscale qui irriguait une partie du financement privé des PME, notamment innovantes.
En effet, le dispositif précédent de déduction de l’ISF pour les investissements dans les PME profitait aux « business angels » – des personnes qui décident d’investir une partie de leur patrimoine financier dans des entreprises innovantes et à fort potentiel –, aux fonds d’investissement de proximité (FIP) et aux fonds dans l’innovation (FCPI). C’est ainsi un milliard d’euros d’investissement dans les PME par an qui a disparu. Pour compenser, le budget national avait prévu d’augmenter de 18 % à 25 % la déduction fiscale pour les particuliers investissant dans les PME. Mais la Commission européenne n’a pas encore donné son accord…
Le rétablissement de l’ISF, si l’on en croit les sondages, est largement souhaité par les Français. Que ce soit en décembre ou en janvier, 70 à 80 % des sondés y sont favorables, y compris, dans des proportions à peine inférieures, les sympathisants de la République en Marche. Même si le président de la République exclut pour l’instant tout retour en arrière, le sujet ressort déjà fortement du grand débat national. Affecter l’ISF à la BPI permettrait d’allier l’exigence du financement des entreprises, notamment innovantes, avec l’aspiration grandissante de justice fiscale.
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