Ce traité remplace celui de libre-échange nord-américain, l’Alena. Le Canada, qui s’est tenu à l’écart, devrait désormais entrer dans les discussions.
« C’est un grand jour pour le commerce », s’est félicité le président américain Donald Trump en annonçant, lundi 27 août, la conclusion d’un accord bilatéral entre les Etats-Unis et le Mexique. Un ballon d’oxygène pour Mexico, après douze mois d’échanges tendus dans le cadre de la renégociation du traité de libre-échange nord américain (Alena).
Mais l’incertitude plane désormais sur l’avenir trilatéral de ce pacte, alors que le Canada, troisième partenaire du texte depuis sa signature en 1992 – il est entré en vigueur le 1er janvier 1994 –, est resté en marge des négociations.
Depuis le Bureau ovale à Washington, M. Trump s’est entretenu par téléphone avec son homologue mexicain, Enrique Peña Nieto. Une conversation sur haut-parleur au cours de laquelle ce dernier s’est réjoui de ce nouvel accord de principe, malgré les attaques répétées du président des Etats-Unis envers le Mexique.
Le républicain n’a cessé de fustiger l’Alena, qui génère aujourd’hui des échanges trilatéraux de plus de 1 000 milliards de dollars (850 milliards d’euros) par an. A son arrivée à la Maison Blanche, début 2017, M. Trump avait exigé une renégociation, accusant cet accord d’avoir entraîné des délocalisations vers le Mexique, où les coûts de production sont réduits.
Résoudre des dossiers épineux
Les ministres mexicains des affaires étrangères et de l’économie, Luis Videgaray et Ildefonso Guajardo, ont fait la navette durant plus de cinq semaines entre Mexico et Washington pour tenter de résoudre avec leurs homologues américains les dossiers épineux.
En tête, la question des règles d’origine dans l’industrie automobile. Le nouvel accord bilatéral prévoit d’augmenter la part des composants fabriqués dans les deux pays, de 62,5 % actuellement, à 75 %. Sans compter que 40 % de la valeur d’un véhicule devra provenir de centres de production, où les salaires sont d’au moins 16 dollars de l’heure. Les usines existantes qui ne respecteraient pas cette règle payeront une taxe de 2,5 %.
C’est une victoire pour M. Trump qui exigeait d’augmenter la part des pièces détachées produites aux Etats-Unis. En retour, le président américain a accepté de revenir sur sa volonté d’instaurer une possible abrogation de l’Alena tous les cinq ans. Le nouvel accord prévoit une validité de seize ans, révisée par période de six années.
« Il ne s’agit plus d’une clause de mort subite qui était inacceptable pour nous, a souligné, lundi, M. Guajardo lors d’une conférence de presse. C’est juste un mécanisme de modernisation de l’accord, réduisant l’incertitude pour les investisseurs. »
L’autre différend résolu concerne les règlements des litiges commerciaux devant les tribunaux qui étaient jugés inéquitables par Washington pour les entreprises américaines. M. Guajardo a souligné que « ces mécanismes seront maintenus », assurant des « possibles compensations » aux compagnies mexicaines.
Même satisfaction du ministre mexicain de l’économie vis-à-vis des produits agricoles qui ne sont plus menacés par des mesures antidumping. Sans compter l’intégration du secteur énergétique à l’accord qui rassure les investisseurs américains sur leur accès au marché mexicain du pétrole, ouvert à la concurrence depuis une réforme votée en 2013.
« La fin de l’Alena, un scénario catastrophe »
« Mexico revient de loin, commente Jose Luis de La Cruz, directeur de l’Institut mexicain pour le développement industriel et la croissance économique (IDC). La fin de l’Alena représentait un scénario catastrophe. » En effet, 80 % de ses exportations sont destinées aux Etats-Unis, représentant un tiers de son produit intérieur brut (PIB). En face, celles des Américains vers le marché mexicain s’élèvent à moins de 2 % du PIB des Etats-Unis.
Pour M. de La Cruz, « l’approche des élections américaines de mi-mandat, en novembre, a incité M. Trump à lâcher du lest ». Le temps pressait pour le locataire de la Maison Blanche qui risquait de ne plus bénéficier d’une majorité législative après le scrutin. La loi l’oblige en effet à notifier au Congrès des Etats-Unis son intention de signer le nouvel accord avec 90 jours d’anticipation.
« En revanche, l’incertitude règne sur la possibilité pour le Canada d’intégrer l’accord d’ici à la fin de la semaine », avertit M. de La Cruz. Ottawa n’a pas participé aux dernières négociations mais doit les rejoindre maintenant que les points de friction entre le Mexique et les Etats-Unis sont levés.
M. Trump a semé le doute en déclarant, lundi, sa volonté de rebaptiser l’Alena. « Nous allons l’appeler accord commercial Etats-Unis-Mexique », a affirmé le locataire de la Maison blanche qui a laissé entendre qu’il était disposé à ne signer que des accords bilatéraux avec le Canada et le Mexique. Le président américain a annoncé que les négociations avec Ottawa « sont sur le point de débuter ».
Lundi, lors de sa conversation téléphonique avec M. Trump, M. Peña Nieto lui a fait part de son souhait de voir le Canada rester partie prenante de l’Alena. Dans la foulée, son ministre des affaires étrangères, M. Videgaray, a néanmoins précisé que « quelle que soit l’issue de la négociation avec Ottawa, le Mexique a désormais un accord avec les Etats-Unis ».
Quant au président élu mexicain, Andres Manuel Lopez Obrador, qui succédera le 1er décembre à M. Peña Nieto, il a félicité un traité bilatéral « qui donne une stabilité économique et financière » au Mexique.
Le nouvel accord a déjà profité à la monnaie mexicaine qui s’échangeait, lundi, à 18,69 pesos pour 1 dollar contre 18,91 pesos trois jours plus tôt.
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