La Liga multiplie les tentatives d'ouverture à l'international. Deux jours après un accord pour diffuser via Facebook le championnat espagnol en Asie, elle annonce jeudi qu'un match serait désormais délocalisé chaque année aux États-Unis.
Les fans asiatiques du Real Madrid et du FC Barcelone vont pouvoir se régaler. La Liga a annoncé que les matches de leur équipe préférée seront diffusés gratuitement sur le réseau social Facebook pour la nouvelle saison du championnat d'Espagne qui débute le 17 août.
Les aficionados américains peuvent également croiser les doigts : ils auront peut-être une chance d'apercevoir leur équipe aux États-Unis puisqu'un match de Liga par saison sera dorénavant délocalisé outre-Atlantique pendant 15 ans, a annoncé jeudi 16 août la Ligue de football espagnole.
"La Liga a prévu d'organiser un match officiel de la saison aux États-Unis", a annoncé l'instance espagnole dans un communiqué, sans préciser la date retenue ou les équipes concernées. Une telle délocalisation est une première depuis le lancement du championnat espagnol en 1928.
Pour Christophe Lepetit, économiste au Centre de droit et d'économie du sport de Limoges, cette poussée en direction du marché nord-américain n'a rien d'illogique : "La Liga se vante toujours d'être la deuxième ligue européenne la plus suivie au monde. Mais, malgré la présence en son sein des géants Barca et Real, il y a encore un monde entre le championnat d'Espagne et la Première League anglaise au niveau de la valeur des droits de diffusion télé".
"Par cette stratégie de développement à l'international, la Liga cherche à développer l'ensemble de ses revenus, que ce soit les siens via les droits télés ou ceux des clubs par les contrats marketing, en convaincant des nouveaux opérateurs de s'intéresser au produit.", explique l'économiste du sport.
Les États-Unis constituent un marché important qui se passionne petit à petit pour le "soccer". "Le championnat local gagne en visibilité et en intérêt. Les affluences augmentent", détaille Christophe Lepetit. "Même si la Premiere league y est aussi présente, le marché reste vierge et il est propice au développement de nouveaux revenus."
Une délocalisation qui fait grincer des dents
Si le projet peut se comprendre d'un point de vue commercial, le football, même professionnel, reste cependant ancré dans une culture locale. Chaque équipe défend les couleurs d'une ville ou d'un pays. Le public, lorsque son club joue à domicile, fait même figure de douzième homme censé aider ses joueurs par ses encouragements à remporter la victoire. Dès lors, une délocalisation peut apparaître comme contraire à l'esprit même du football.
L'AFE, le syndicat des joueurs du championnat d'Espagne, s'est fait l'écho de ces critiques en s'en prenant à la décision de la ligue espagnole : "Comme à son habitude, La Liga se passe de l'avis des footballeurs et les engage dans des événements qui ne bénéficient qu'à elle-même, sans prendre en compte la santé des joueurs et les risques que cela comporte pour eux, et encore moins le ressenti des supporters des clubs 'obligés' de jouer sur le sol nord-américain une fois par saison", écrit l'organisation dans un communiqué.
Même indignation du côté des supporters et "socios", les supporters-actionnaires de clubs, réunis en Espagne au sein de la fédération FASFE.
"Face à l'annonce de l'organisation aux États-Unis de matches de compétition de Liga, nous lançons un appel à tous les supporters pour nous mobiliser contre une telle aberration", a écrit la FASFE sur son compte Twitter.
"La perte d'ancrage territorial est un phénomène en marche et il est difficile de faire machine arrière", reconnait Christophe Lepetit. "Cependant, il faut trouver un équilibre pour continuer à préserver le lien avec la communauté locale. Sinon, on verra l'émergence d'un produit totalement déconnecté d'une situation géographique."
Un marché asiatique capital
Cette entrée sur le marché nord-américain confirme les hautes ambitions de la Liga à l'international. Le 14 août, la Ligue espagnole avait annoncé avoir scellé un accord exceptionnel avec le réseau social Facebook pour retransmettre le championnat d'Espagne gratuitement et en direct en Asie du Sud.
Les 380 matches de la première division de football espagnole seront disponibles pour les usagers de Facebook dans huit pays : Afghanistan, Bangladesh, Bhoutan, Népal, Maldives, Sri Lanka, Pakistan et surtout l'Inde et ses 1,3 milliards d'habitants.
"La Liga est présente en Inde depuis plusieurs années. Ces liens se matérialisent aujourd'hui à travers ce deal de diffusion", analyse l'économiste du sport. "Avec les huit pays impliqués dans le deal, c'est plus de 350 millions de personnes supplémentaires qui vont pouvoir voir les matchs de Liga. Le fait que ce soit gratuit sur une plateforme très utilisé des jeunes générations, cela ne peut qu'augmenter la notoriété du championnat. À terme, cela ne peut que développer des nouvelles sources de revenus que ce soit par le sponsoring ou par de nouveaux marchés pour vendre du merchandising."
Une nouvelle ère pour la diffusion
La Liga n'a pas hésité à qualifier de "pionnier" cet accord avec Facebook estimant qu'il "ouvre une nouvelle ère dans la retransmission des évènements sportifs".
Ces dernières années, les géants de l'Internet ont montré leur appétit pour les diffusions d'évènements sportifs. Twitter a commencé à diffuser des matchs de football américain. Au printemps, Amazon a acquis les droits de la Premiere League anglaise. Dans la foulée de l'accord avec la Liga, Facebook a également annoncé qu'il diffuserait plusieurs matchs de Ligue des champions en Amérique latine.
"La diffusion télé du football, c'est une terre perpétuellement en mouvement," explique Christophe Lepetit. "On a longtemps eu des opérateurs de télévision classique. Progressivement, ils ont été poussés vers la sortie par des opérateurs de télécommunications comme Sky ou BT Sports sur les différents marchés européens. À mon avis, on assiste aujourd'hui à un nouveau déplacement, cette fois vers les géants de l'Internet."
Le football est un produit qui sert les intêrets des géants de l'Internet. "On assiste aujourd'hui à une bataille pour l'attention de l'utilisateur. Or on sait que ce genre de produits est propice à l'engagement et l'interaction", détaille l'économiste. "Reste à trouver la manière d'amortir cette acquisition. Ça passera soit par la publicité, soit par un péage payant. Mais attention, les utilisateurs de ces plateformes, habitués à la gratuité, pourraient se montrer frileux."
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