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La proposition de loi adoptée par le Sénat en octobre 2018 doit être débattue à partir de mardi, à l’Assemblée nationale.

Elles y sont fermement opposées. Plusieurs organisations de salariés, dont FO et la CGT, sont montées au créneau ces derniers jours pour dire tout le mal qu’elles pensent de la proposition de loi LR dite anticasseurs, reprise par le gouvernement, et « visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs ». Le texte, à l’initiative de Bruno Retailleau, a été adopté par le Sénat en octobre 2018 et doit être débattu dès mardi 29 janvier à l’Assemblée nationale.

Les syndicats, qui sont de gros pourvoyeurs de manifestations, se disent inquiets de plusieurs mesures. Parmi elles, l’instauration d’un périmètre de sécurité autour des lieux de manifestation avec fouilles et palpations autorisées en amont, l’interdiction administrative d’aller manifester, inspirée de ce qui se fait dans les stades pour lutter contre le hooliganisme, ou encore la disposition visant à créer un fichier des personnes interdites de manifestations… Si ces mesures sont approuvées à droite, voire à l’extrême droite, elles suscitent une levée de boucliers à gauche et provoquent un malaise au sein même de la majorité qui en a réécrit une partie le 23 janvier en commission des lois.

« Les violences qui s’expriment dans les cortèges sont inacceptables et je les condamne, indique François Homméril, président de la CFE-CGC. Mais si la façon dont le gouvernement veut y répondre revenait à restreindre la capacité des organisations syndicales à manifester leurs revendications légitimes, j’y verrais un réel problème. » Son homologue de Force ouvrière, Yves Veyrier, est plus direct : « Ce que l’on craint, c’est que ce soit pour nos dirigeants, actuels ou futurs, une occasion de restreindre le droit de manifester. »

Arsenal liberticide

Dans un communiqué commun, le 25 janvier, la CGT, FSU, Solidaires ainsi que la Ligue des droits de l’homme et le Syndicat de la magistrature estimaient également que les libertés publiques sont « en danger ». « Fichage des manifestants, interdiction individuelle de manifester, obligation de pointage sont autant de signes de la poursuite d’une logique de suspicion généralisée et de contrôle social avec le risque de dévoiement des procédures et d’arbitraire », dénonçaient les signataires. M. Veyrier, dont l’organisation n’est pas signataire de ce texte, y voit aussi « le risque que ça dérive en fichage des militants syndicaux ».

« Ce n’est pas anodin que l’on reprenne le terme de loi anticasseurs », souligne Eric Beynel, co-porte-parole de Solidaires, qui rappelle un précédent. Une loi de 1970 présentait certaines similitudes avec celle d’aujourd’hui et portait déjà ce nom. Deux ans après Mai 68, le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas avait fait adopter ce texte pour répondre aux violences lors des manifestations de ce qu’on appelait alors des « commandos ». Dénoncée comme « liberticide » par la gauche, elle fut abrogée en 1981 après l’élection de François Mitterrand.

Pour les détracteurs de la version 2019, l’appareil législatif à disposition des pouvoirs publics est suffisant. « Il y a déjà un arsenal liberticide, ce n’est pas la peine de le durcir », juge Fabrice Angei, du bureau confédéral de la CGT. « La réponse est toujours plus de répression, mais au lieu de faire baisser la tension, ça l’augmente », ajoute M. Beynel. « Le mouvement social est victime de la violence, rappelle M. Angei. En 2016, le gouvernement l’avait instrumentalisée pour rendre le mouvement [contre la loi travail] impopulaire. Là, on passe à un cran juridique : vous allez être fouillé, fiché, ça fait beaucoup d’obstacles pour aller exprimer ses revendications ou son ras-le-bol. »


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