Dans une tribune au « Monde », l’économiste Guy Abeille établit une liste de sept contre-vérités qui justifieraient, faussement, les arguments de l’Italie contre les exigences budgétaires de la Commission européenne.
Tribune. Le conflit budgétaire est ouvert entre « les gardiens de l’euro » et le gouvernement italien. Il fait entrer en piste toute une série de faux-semblants : j’en énumère sept.
Le premier d’entre eux serait que la Commission rejette l’Italie, alors que c’est l’Italie qui s’exclut seule du jeu. On ne peut pas en effet d’un côté être membre du collectif, c’est-à-dire lui faire protéger ses propres taux d’intérêts, et de l’autre y suivre ses propres règles et miser seul un supplément de dette sur une croissance fuyante.
Le deuxième faux-semblant est que cela serait un combat entre l’Italie et la Commission. Mais celle-ci n’est pas une structure hors sol. Elle est l’émanation des Etats et de leurs gouvernants élus. Et ce sont eux – tous en route aujourd’hui vers le désendettement, et tout aussi légitimes à donner de la voix que l’Italie – qui lui demandent ensemble de ne pas ouvrir une voie d’eau dans le navire euro.
Le carrosse des dépenses menace de se transformer en citrouille de la dette
Le troisième : la Commission mépriserait la volonté du peuple. Epouser ce credo,
c’est confondre deux ordres, celui des contenus et celui du financement. Les Italiens peuvent
s’offrir autant de porte-avions, de fonctionnaires, d’allocations qu’ils veulent : ce sont des choix politiques nationaux. Mais ces porte-avions, fonctionnaires, allocations permettront-ils de maintenir ou d’accroître le flux des ressources futures ? Autrement dit, par quel supplément d’impôt le paiement en sera-t-il assuré ? Ou par l’amputation de quelles autres dépenses jugées moins essentielles ? Ou encore par quelle part distraite des recettes pour rembourser l’argent emprunté ?
Car, si la croissance stagne en raison de l’impuissance de l’Etat, diminué qu’il est par ses charges d’intérêt, à faire les bons investissements, ou par la hausse des taux due à l’excès de dette, alors le carrosse des dépenses menace de se transformer en citrouille de la dette. « Le budget du peuple » promet alors de devenir un boulet pour le peuple.
Le contre-exemple portugais
Le quatrième : l’Union européenne n’aurait pas à se formaliser. Les 3 % sont, après tout, respectés, et le déficit italien est inférieur au déficit français. Mais une question de fond demeure : quelle masse d’argent faut-il chaque année rembourser et quelles ressources gaspiller en intérêts dus ? Car l’Italie souffre d’une obésité de dettes, qui l’asphyxie. Elle a atteint 125 % de taux d’endettement dès 1994, au terme d’une suite ininterrompue de déficits compris entre 9 % et 12 % du PIB de 1972 à 1994, durant vingt-trois ans (comme si la France se lançait aujourd’hui dans 200 à 300 milliards de déficit par an, jusqu’en 2042).
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