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Lesquels de nos organes sont les plus menacés par la canicule ?

En période de chaleur, il faut se rafraîchir. MI PHAM/Unsplash
Pieter Vancamp, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)

À partir de ce mercredi 15 juin 2022, la moitié Sud de la France devrait connaître une vague de chaleur précoce et intense. Selon Météo France, les températures devraient voisiner avec les 40 °C. Ce type d’épisode affecte notre vie quotidienne : nous sommes plus fatigués, moins dynamiques, à la limite de la surchauffe…

En France, après la canicule de 2003, un plan national canicule a été mis en place. Celui-ci comporte quatre niveaux d’alerte, et prévoit notamment des actions de communication visant à rappeler les « actions préventives individuelles à mettre en œuvre » : boire suffisamment d’eau, se mettre à l’abri de la chaleur, ne pas faire d’exercice physique intense… Bref, se protéger dans la mesure du possible afin d’éviter de subir un coup de chaleur qui pourrait mettre la vie en péril.

Mais concrètement, comment le corps humain fait-il face à ces conditions de chaleur extrêmes ? Pourquoi sont-elles si dangereuses ? Lesquels de nos organes sont les plus affectés en cas d’élévation des températures, et à partir de quand les choses se détériorent-elles ?

Rester frais

La température du corps humain fluctue généralement entre 36 et 38 °C. À l’intérieur de cette plage, les réactions biochimiques sont capables de se dérouler normalement, condition sine qua non au bon fonctionnement de nos cellules et de nos organes. Pour s’adapter aux changements environnementaux qui pourraient le faire sortir de cette zone de confort, comme lors d’une canicule, le corps humain est bien équipé.

Les variations anormales de température corporelle déclenchent une réponse physiologique de notre organisme. Celle-ci visant à ramener notre température interne à des niveaux plus habituels. Cette thermorégulation peut être comparée à un thermostat domestique : si la température s’écarte trop de la température de consigne, les systèmes de chauffage ou de climatisation se mettent en branle pour atteindre à nouveau la température souhaitée.

Dans le corps humain, ce thermostat est situé à la base du cerveau, dans une région appelée hypothalamus. C’est à cet endroit que l’information fournie par les capteurs de température situés dans nos organes périphériques, comme la peau ou les muscles, est intégrée et traitée, déclenchant une réponse physiologique lorsque nécessaire.

Une fois la réponse enclenchée, la première réaction physiologique (et la plus importante) est la production de sueur. En s’évaporant, celle-ci permet de dissiper la chaleur, au niveau de la peau et des extrémités du corps (mains, pieds).

Ce système est très efficace pour rafraîchir l’organisme, mais il peut nécessiter jusqu’à 2 litres d’eau par heure en cas de chaleur extrême. Pour cette raison, comme nous le verrons plus loin, lors de fortes chaleurs le corps gère son eau au plus juste, la recyclant au maximum.

Néanmoins pour maintenir les capacités de thermorégulation de notre organisme, il est essentiel de boire pour remplir à nouveau le réservoir. Si l’on ne s’abreuve pas suffisamment, le risque est de manquer d’eau, et donc de perdre la capacité de transpirer et de se rafraîchir, ce qui peut entraîner une surchauffe de nos organes. En buvant, nous absorbons également les électrolytes et les sels nécessaires au maintient du pH sanguin et au bon fonctionnement de nos cellules.

Du cerveau aux reins

Pour comprendre ce qui peut mal tourner en cas de coup de chaleur, voyons comment la réponse thermorégulatrice affecte le fonctionnement de nos divers organes, et comment ceux-ci réagissent à des températures extrêmes.

Le système cardiovasculaire est l’un des premiers affectés. Afin de pouvoir transpirer, il faut que le flux sanguin se déplace des organes centraux vers les organes périphériques pour qu’il puisse s’y refroidir. Une des conséquences visibles est que, souvent, les gens qui souffrent de la chaleur rougissent. La perte d’eau par la transpiration et la redistribution du flux sanguin provoque une chute de la tension artérielle. Pour tenter de compenser, afin de maintenir la circulation sanguine à travers les organes vitaux, les battements du cœur s’accélèrent.

Si la redistribution du flux sanguin s’accompagne d’une trop grande perte d’eau, la tension artérielle diminue dangereusement, ce qui peut provoquer des évanouissements, signes d’un coup de chaleur. Si cette chute de tension n’est pas traitée, elle peut entraîner, dans les cas les plus graves, une insuffisance cardiaque.

Le cerveau est un autre organe vital qui souffre du stress en cas de fortes chaleurs. L’augmentation des températures perturbe la communication entre les cellules nerveuses et peut même les endommager, voir provoquer leur mort. En effet, la chaleur affecte la structure de l’ADN et des protéines, ainsi que l’intégrité des membranes cellulaires.

La déshydratation cause également des déséquilibres électrolytiques qui peuvent perturber la communication entre les cellules nerveuses et les cellules musculaires. Plus la surchauffe dure longtemps, plus les conséquences peuvent être graves. Les voies cognitives peuvent être dérégulées, ce qui peut provoquer des altérations émotionnelles telles qu’une augmentation de l’anxiété, des maux de tête, une altération du jugement, etc.

Fait remarquable, le cerveau est notamment refroidi par le système respiratoire. En cas de surchauffe, le corps augmente la fréquence de la respiration, rafraîchissant ainsi le sang qui part au cerveau et qui en revient, par des mécanismes de refroidissement de surface et d’échange de chaleur. Ce système peut littéralement être considéré comme une climatisation naturelle. Il a cependant un effet négatif : il fait augmenter le pH sanguin, en raison de la diminution de la pression en CO2, ce qui pourrait mettre en danger les fonctions cellulaires d’autres organes.

Autre organe important qui reçoit moins de sang lors des fortes chaleurs en raison de sa redistribution vers la périphérie du corps : l’intestin. Cette perte entrave son bon fonctionnement et, dans les cas extrêmes, provoque des nausées et des vomissements.

Enfin, la perte d’eau et de sels via la transpiration influent également sur les voies urinaires. Sous l’influence d’une hormone spécifique produite par le cerveau (l’hormone antidiurétique), la réabsorption de l’eau et des sels est stimulée, afin de compenser la perte de pression artérielle dans le système cardiovasculaire.

Par conséquent, nos reins produisent de moins en moins d’urine. Celle-ci est concentrée, ce qui se manifeste par sa couleur plus brune. Nous allons moins souvent aux toilettes ; lorsque les périodes de fortes températures se prolongent et que l’on est déshydraté, le tissu rénal peut être endommagé, et les reins ne plus fonctionner correctement.

Un système qui a ses limites

Le système thermorégulateur de notre organisme est particulièrement bien adapté, ce qui nous permet de faire face à des conditions de chaleur extrême. Outre la réponse physiologique, la chaleur déclenche également une réaction comportementale. Lorsque la température monte, notre soif augmente et nous avons tendance à chercher des endroits plus frais et plus confortables.

Cependant, en cas d’épisode caniculaire, notre organisme est soumis à un stress intense, et sa thermorégulation peut atteindre ses limites. Une température corporelle supérieure à 40 °C pousse le système dans ses retranchements, voire au-delà de ses capacités d’autorétablissement. Dans ce cas, le risque de perte de contrôle de la régulation de la température est réel, ce qui peut compromettre le fonctionnement des organes.

L’organe le plus vulnérable à cet égard est probablement le cerveau. Le coup de chaleur et la déshydratation qui l’accompagne provoquent une réaction inflammatoire systémique qui, à son tour, entraîne des lésions cérébrales irréversibles, voire la mort si aucune mesure n’est prise très rapidement.

Écouter son organisme

Les gens qui n’écoutent pas leur corps, ne boivent pas d’eau et négligent les conseils donnés par les autorités sanitaires en période de canicule amènent leur corps aux limites de la physiologie humaine. Ils risquent l’épuisement ou le coup de chaleur, lequel peut avoir des conséquences potentiellement fatales en cas de défaillance de plusieurs organes.

Il en va de même pour les personnes à risque comme les personnes âgées et les patients qui ont des antécédents de maladies cardiovasculaires. En outre, les personnes âgées pourraient être moins conscientes des dangers de la chaleur, car leurs capteurs de chaleur corporelle fonctionnent moins bien que ceux des jeunes.

Les bébés et les tout-petits, quant à eux, dépendent de la vigilance de leurs parents, qui doivent être attentifs à prendre les mesures nécessaires à leur protection.

Enfin, il est important de limiter la consommation de boissons contenant de l’alcool ou de la caféine, car ces substances ont elles-mêmes des effets déshydratants.

Au final, les conseils à retenir sont simples : boire de l’eau, se rafraîchir de temps en temps, éviter les températures les plus élevées, et suivre les préconisations des autorités. Et, bien entendu, s’occuper aussi de ceux qui sont les plus vulnérables durant ces épisodes exceptionnels.

Pieter Vancamp, Post-doctorant, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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