Antananarivo et Paris se disent prêts à régler leur litige sur la souveraineté de l’archipel. Mais la France ne veut pas « brader » sa suprématie sur son ancienne colonie.
Ces derniers temps, le téléphone du président de l’Académie nationale malgache, Raymond Ranjeva, n’arrête pas de sonner. C’est vers lui que chacun se tourne pour convoquer l’histoire et le droit, depuis que le chef d’Etat malgache, Andry Rajoelina, a officiellement rouvert le vieux contentieux avec la France sur l’appartenance des îles Eparses, ces petits bouts de terre disséminés le long du canal du Mozambique.
Fin lettré, juriste de renommée internationale, juge (de 1991 à 2009) et vice-président (2003-2006) de la Cour internationale de justice, M. Ranjeva fut l’un des artisans d’une victoire remportée contre la France, le 12 décembre 1979. Ce jour-là, une résolution avait été adoptée par les Nations unies,enjoignant au « gouvernement français d’entamer sans plus tarder des négociations en vue de la réintégration des îles Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da India, qui ont été séparées arbitrairement de Madagascar ». Ces îles forment l’archipel des Eparses, auquel il faudrait ajouter celle de Tromelin. Située au large des côtes orientales de Madagascar, celle-ci fait l’objet d’un autre contentieux opposant cette fois la France à Maurice, qui la revendique.
En 1979, l’ONU avait invoqué, en faveur de Madagascar, «la nécessité de respecter scrupuleusement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un territoire colonial au moment de son accession à l’indépendance », à la suite d’un vote similaire de l’Union africaine et de la conférence des pays non alignés, quelques mois plus tôt. Pour Raymond Ranjeva, alors jeune agrégé de droit, cette résolution couronnait six années de travail. Il était parvenu à faire triompher sur la scène internationale la demande adressée par le président Didier Ratsiraka (en fonction de 1975 à 1993, puis de 1997 à 2002) à l’ancienne tutelle coloniale.
« Territoires résiduels de la République »
Cette victoire est restée sans lendemain. Paris n’a accordé aucun crédit à cette résolution non contraignante, jugeant inattaquable sa souveraineté sur ces récifs coralliens longtemps affublés du singulier statut de « Territoires résiduels de la République ». Au prix d’arrangements discrets, le sujet n’est jamais revenu à l’ordre du jour des Nations unies. Il aura fallu quarante ans pour qu’il s’impose à nouveau, au palais de l’Elysée, à Paris. « Aujourd’hui, il y a encore une réalité qui nous fait mal, a lancé le président Rajoelina à son homologue Emmanuel Macron, le 29 mai. L’appartenance des îles Eparses est une question d’identité nationale. Je vous demande de trouver une solution pour la gestion ou la restitution des îles Eparses à Madagascar. »
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