Le mouvement s’inquiète des violences en son sein qui ternissent son image et annihilent le soutien d’une partie de l’opinion publique.
Chaque samedi de mobilisation des « gilets jaunes » est un nouveau coup de pinceau sur une toile encore très impressionniste. Cet acte XV a semblé révéler deux mouvances de plus en plus nettes. Celle, pacifique, qui s’efforce d’éviter les débordements, soucieuse de conserver le soutien de l’opinion publique : c’est la tendance qui semble majoritaire. Et une autre, minoritaire mais très visible, qui estime que seules les violences des 24 novembre, 1er et 8 décembre ont fait plier le chef de l’Etat et qu’il faut donc continuer la casse.
Tenant de la mouvance pacifiste, un petit groupe de « gilets jaunes » franciliens a décidé, depuis le 5 janvier, de codéclarer un parcours de manifestation chaque semaine, estimant qu’améliorer l’organisation permettra de diminuer les tensions et les violences. Une démarche qui n’est pas du goût de tous, certains préférant les défilés erratiques des premiers samedis : on a ainsi pu voir ces dernières semaines des cortèges concurrents à Paris.
Mais samedi 23 février, l’essentiel des troupes a suivi l’itinéraire annoncé par des tracts distribués le matin place de l’Etoile : plusieurs milliers de personnes ont parcouru plus de quinze kilomètres dans les quartiers chics de la capitale, sans casse ni heurts, pour demander plus de pouvoir d’achat, moins de privilèges, et la mise en place du référendum d’initiative citoyenne.
Des autocollants syndicaux ont fleuri sur les vestes, signe que des « gilets jaunes » plus familiers des mouvements sociaux ont rejoint la fronde. Ce n’est qu’après la fin de la manifestation que des tensions habituelles sont apparues entre de petits groupes épars et les forces de l’ordre, des lacrymogènes répondant aux jets de projectiles.
Cocktails molotov
Dans le même esprit pacifiste, des « gilets jaunes » du Loir-et-Cher avaient organisé, en accord avec la gendarmerie, un grand pique-nique familial au château de Chambord, en présence de Priscillia Ludosky, figure du mouvement. Farandoles, baraques à frites et buvette sans alcool : l’obsession était à l’ambiance bon enfant. « Le moindre tag sur une vieille pierre et c’est terminé », avait prévenu un gendarme au mégaphone. La journée fut paisible, organisateurs et gendarmes s’entendant même sur le nombre de participants : 1 200.
Mais l’ambiance fut toute autre à Lyon, Rouen ou Toulouse. Dans la Ville rose, les CRS ont reçu des cocktails molotov. A Epinal, des grilles de la préfecture ont été arrachées. Clermont-Ferrand, désignée comme l’un des épicentres de l’acte XV, s’était barricadée. Quand des heurts ont éclaté dans l’après-midi, le cortège s’est disloqué et « 50 à 100 individus » ont dégradé une douzaine de commerces et jeté des projectiles sur les forces de l’ordre, selon le parquet. Le procureur de la République a précisé à l’AFP qu’il y avait parmi eux des groupuscules venus « d’Allemagne et d’Italie » tandis que la préfète a indiqué que les policiers avaient le sentiment « d’avoir eu affaire à de vrais professionnels. » Des « exactions » dénoncées comme « intolérables » par le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, sur Twitter.
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