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Des emplois fictifs supposés du MoDem au train de vie fastueux de François de Rugy, passage en revue des dossiers qui mettent à mal la « moralisation de la vie politique » voulue par l’exécutif.

Lors de sa campagne présidentielle de 2012, François Hollande avait vanté une « République exemplaire » ; il avait vu son mandat entaché par des manquements, plus ou moins graves, de ses ministres. Avant lui, Nicolas Sarkozy avait défendu une « démocratie irréprochable » ; il est aujourd’hui lui-même empêtré dans des scandales politico-financiers dont la justice est saisie.

Leur successeur a fait usage du même langage. Lors de sa campagne électorale, en 2017, Emmanuel Macron avait prévenu que « le principal danger pour la démocratie [était] la persistance de manquements à la probité parmi des responsables politiques, dont le comportement est indigne de la charge de représentant du peuple ». Une fois élu, promettait-il, les responsables politiques allaient devoir « rendre des comptes sur leur entourage et sur la manière dont ils utilisent l’argent public ».

Symboliquement, les deux premières lois adoptées sous son quinquennat furent dites de « moralisation de la vie politique ». Pourtant, le mandat d’Emmanuel Macron n’a pas été davantage épargné que ceux de ses prédécesseurs à l’Elysée. Des premières affaires impliquant ses alliés du MoDem, dès l’été 2017, aux révélations de ces derniers jours sur le train de vie fastueux de François de Rugy, voici un résumé des principaux scandales qui ont ébranlé la « République exemplaire » version Macron.

François de Rugy

  • Les accusations

Lorsqu’il était président de l’Assemblée nationale, l’actuel ministre de l’écologie a organisé avec son épouse au moins neuf « dîners informels » dans sa résidence de l’hôtel de Lassay. Le personnel de l’Assemblée nationale a été mis à contribution pour ces soirées, ainsi que la vaisselle et des mets fins provenant des cuisines et de la cave de l’Assemblée nationale. Par ailleurs, le site Mediapart fait aussi état d’une rénovation des appartements du couple au ministère de l’écologie pour plusieurs dizaines de milliers d’euros d’argent public, ainsi que de la location soumise à la loi Scellier (donc à tarif préférentiel) d’un appartement de la banlieue nantaise.

  • Où en est l’affaire ?

En déplacement dans les Deux-Sèvres jeudi, il est revenu à Paris en urgence pour s’entretenir avec le premier ministre. A l’issue de leur rencontre, M. de Rugy s’est engagé à « rembourser chaque euro contesté » et à soumettre les frais à la questure de l’Assemblée. Edouard Philippe a par ailleurs demandé « une inspection » du secrétariat général du gouvernement concernant les travaux de l’appartement du ministère.

  • Qu’est-il devenu ?

Il garde – pour l’instant – la confiance de l’exécutif et donc son poste au ministère de la transition écologique et solidaire.

Alexandre Benalla

  • Les accusations

Alexandre Benalla, chargé de sécurité à l’Elysée, accompagne les forces de l’ordre en tant qu’observateur lors des manifestations du 1er-Mai 2018, à Paris. Mais il est filmé, place de la Contrescarpe, en train d’interpeller violemment deux manifestants alors qu’il portait un brassard de police. Le lendemain de cette scène, il aurait été mis à pied par le directeur de cabinet d’Emmanuel Macron. Il sera mis en examen quatre jours après la révélation de l’affaire par Le Monde, le 18 juillet 2018.

Depuis, les révélations se sont enchaînées sur ce personnage sulfureux qui avait toute la confiance du président de la République. Il lui est notamment reproché d’avoir violé son contrôle judiciaire, d’avoir détenu sans autorisation une arme de catégorie B, d’avoir menti face à une commission d’enquête sénatoriale, d’avoir signé un contrat de sécurité avec un proche de Poutine soupçonné de liens avec la mafia moscovite (Iskander Makhmoudov), d’avoir détenu et utilisé de manière indue des passeports diplomatiques…

  • Où en est l’affaire ?

De nombreuses enquêtes ont été lancées contre l’ex-chargé de sécurité du président. Le 19 juillet 2018, au lendemain des révélations du Monde, le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire pour « violence par personne chargée d’une mission de service public » et « usurpation de fonctions » ; le 22 juillet, Alexandre Benalla est mis en examen et placé sous contrôle judiciaire. Il a depuis été mis en examen à au moins trois reprises. En février 2019, il a été placé en détention provisoire suite à une violation du contrôle judiciaire, mais il a été libéré après une semaine en prison. Les enquêtes sont toujours en cours.

  • Qu’est-il devenu ?

Alexandre Benalla reste sous contrôle judiciaire jusqu’à ses éventuels procès. Vendredi 12 juillet, l’association Anticor a déposé une nouvelle plainte contre Alexandre Benalla auprès du Parquet national financier, pour corruption, blanchiment et entrave à la justice dans le cadre de ses contrats avec l’oligarque russe Iskander Makhmoudov.

Ismaël Emelien

  • Les accusations

Lorsqu’éclate l’affaire Benalla, le 18 juillet 2018, Ismaël Emelien, conseiller spécial d’Emmanuel Macron, entre en possession des images de vidéosurveillance de la place de la Contrescarpe lors des manifestations du 1er-Mai. Il tente alors d’allumer un contre-feu médiatique à l’affaire qui touche l’Elysée en faisant diffuser via les réseaux sociaux les images de vidéosurveillance ainsi qu’un montage visant à disculper le chargé de protection de l’Elysée.

  • Où en est l’affaire ?

Il a été interrogé en janvier en toute discrétion par un commissaire de l’IGPN – la police des polices – qui est chargé du volet de l’enquête sur la diffusion en ligne d’images tirées illégalement de la vidéosurveillance de la préfecture de police de Paris. L’enquête est en cours.

  • Qu’est-il devenu ?

Ismaël Emelien a démissionné le 11 février de ses fonctions de conseiller spécial du président de la République. Cette démission a eu lieu quelques jours après son interrogatoire par l’IGPN, mais il l’a officiellement justifiée par l’annonce de la parution d’un livre coécrit avec David Amiel, lui aussi ex-conseiller à l’Elysée.

François Bayrou, Sylvie Goulard et Marielle de Sarnez

  • Les accusations

Ces trois piliers du MoDem, ministres dans le premier gouvernement d’Edouard Philippe, ont été contraints de démissionner au bout d’un mois après avoir été rattrapés par une vieille affaire. Ils sont soupçonnés d’avoir organisé ou bénéficié d’un système d’emplois fictifs d’assistants parlementaires au Parlement européen, similaire à celui du Rassemblement national (ex-FN).

  • Où en est l’affaire ?

Le MoDem est sous le coup d’une enquête pour « abus de confiance », « escroquerie » et « détournement de fonds publics » depuis l’été 2017. Si aucune mise en examen n’a été prononcée à ce jour, l’enquête a permis de conforter les soupçons de la justice sur le caractère fictif de certains emplois d’assistants parlementaires, qui aurait bénéficié, en particulier, à Marielle de Sarnez.

  • Que sont-ils devenus ?

Les trois ministres MoDem sont restés à l’écart du gouvernement, sans pour autant disparaître du paysage politique : François Bayrou reste le président du MoDem et le principal allié d’Emmanuel Macron ; Marielle de Sarnez a retrouvé son mandat de députée de Paris et préside à l’Assemblée nationale la prestigieuse commission des affaires étrangères ; Sylvie Goulard a été nommée sous-gouverneure de la Banque de France grâce à l’appui d’Emmanuel Macron et d’Edouard Philippe.


Lire la suite : Les affaires qui ébranlent le quinquennat d’Emmanuel Macron


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