Dans « Le Retour du prince », le politiste Vincent Martigny analyse les ressorts qui ont porté au pouvoir des figures nouvelles telles que Donald Trump, Emmanuel Macron, Jair Bolsonaro…
Livre. Qu’y a-t-il de commun entre Donald Trump et Emmanuel Macron, entre Justin Trudeau et Jair Bolsonaro, entre Matteo Salvini et Pedro Sanchez ? Ils sont tous « des météorites de la politique, dont l’ascension a pris de court jusqu’à leur entourage », nous dit Vincent Martigny, dans Le Retour du prince. Et dans leur exercice du pouvoir, ils utilisent aussi les mêmes ficelles. Qu’ils soient populistes ou pas, ils sont tous des « politiques rock stars ». Loin des idées et des programmes, ces chefs d’Etat ou de gouvernement ont su, d’abord et avant tout, mettre en scène leur trajectoire fulgurante, construire un récit autour de leur parcours et jouer des émotions de leurs concitoyens.
Ce sont les nouveaux princes, qui « gouvernent enfermés dans un tête-à-tête avec l’opinion publique », achevant d’éclipser des contre-pouvoirs et des corps intermédiaires délégitimés, écrit l’auteur dans cet ouvrage qui revisite Machiavel, mais se réfère aussi à House of Cards ou à Shakespeare. Certes, ils existent parce que, partout dans le monde, les électeurs veulent voir se renouveler les visages de la politique. Mais, pour le maître de conférences en science politique à l’Ecole polytechnique, le processus qui a présidé à l’« hypertrophie des dirigeants » est en réalité bien plus complexe.
Il s’explique par des mutations profondes des sociétés contemporaines. Au premier rang desquelles, note l’auteur, leurs « complexification et internationalisation sans précédent ». Dans ce contexte, et alors que les citoyens sont de plus en plus demandeurs d’explications, poursuit-il, il est « plus facile » pour les médias, « de s’intéresser aux faits et gestes des dirigeants plutôt qu’à l’analyse de politiques publiques qu’ils peinent eux aussi à comprendre ».
Symboles anciens
Quant aux hommes et femmes politiques, face à un monde de plus en plus embrouillé, ils préfèrent eux aussi faire diversion. Et déplacent, estime Vincent Martigny, « les frontières du combat politique vers des sujets plus faciles à appréhender par l’opinion » que ceux qui relèvent de la matière économique, comme l’immigration, l’islam ou encore les questions de genre. Finalement, « tout participe à faire triompher le récit de l’agir sur l’agir lui-même », conclut l’auteur. Et, de Washington à Paris, le spectacle du pouvoir a remplacé la pratique du pouvoir.
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