« Le rugby ne doit pas sombrer dans le sport business »

Economie

Les accidents mortels sont la marque d’une dérive par rapport aux objectifs originels du jeu, déplore un collectif de personnalités, dans une tribune au « Monde ».

Tribune. Créé au XIXe siècle par une école privée de la ville de Rugby, en Angleterre, le rugby s’est ensuite érigé au rang de sport référent dans les universités, occupant à la fois les pieds, les mains… et le cerveau. Basé sur le fair-play, il reposait sur des valeurs de raison, de morale et d’éthique. Sa philosophie était d’avancer et de gagner en reculant, c’est-à-dire d’aller franchir la ligne en passant le ballon en arrière. Les règles établies par les instances internationales induisaient le souci de l’évitement de l’adversaire au prix d’un combat stratégique, en rendant très critiquable le fait de le télescoper pour le déstabiliser ou le détruire.

Cette dernière pratique est pourtant devenue habituelle aujourd’hui. Un joueur espoir âgé de 19 ans vient de mourir à la suite d’un choc d’une extrême violence, plaqué par deux joueurs à la fois. Ce drame est survenu après le décès récent de deux autres joueurs, l’un d’un choc cardiaque, l’autre d’une hémorragie intracrânienne.

Le passage de l’amateurisme au professionnalisme a transformé le jeu en spectacle lucratif, les clubs en entreprises et les joueurs en travailleurs. Certains d’entre eux, très (trop ?) bien payés, sont devenus des « mercenaires » ne sachant plus ce que signifie l’attachement au club. L’objectif de certains dirigeants est de se rapprocher du « sport business » qu’est devenu le football avec ses rémunérations exorbitantes, injustifiées économiquement et socialement, encore moins moralement. Ce changement de paradigme conduit à un appauvrissement intellectuel et à une déstructuration de l’humain.

Risques de lourdes sanctions

Malgré des fondements stratégiques d’évitement et les finalités d’optimisation de la santé mentale et physique des pratiquants, ce sport spectacle est devenu un sport de combat, violent et dangereux. Le nombre de blessures augmente saison après saison, la commotion cérébrale étant seulement la plus médiatisée. Le spectre de l’encéphalopathie post-traumatique est brandi, particulièrement depuis les travaux de l’école de Boston sur d’anciens joueurs de football américain, décédés et autopsiés : l’analyse de leur cerveau a révélé des signes de dégénérescence cérébrale précoce chez la majorité d’entre eux.

La fédération et la ligue de rugby ont certes mis en place des protocoles ainsi que des sanctions (cartons jaunes, rouges) quand un acte « illégal » générateur de blessure est commis. Ces règles sont utiles pour mettre un terme à ces atteintes à l’intégrité physique. Mais c’est aussi un moyen de se donner bonne conscience, alors que, sur le terrain, la violence persiste. Les joueurs professionnels peuvent jouer 35 à 40 matchs par an, alors que les boxeurs, par définition très exposés aux commotions, ne livrent que 3 à 4 combats.


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