Le Parlement adopte définitivement le controversé projet de loi asile-immigration

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Après plusieurs mois de polémiques, le projet de loi asile et immigration a été définitivement adopté mercredi par le Parlement. Retour sur un texte vivement critiqué par les associations, l'opposition et des membres de la majorité.

Fin d'un long parcours législatif émaillé de controverses. Le projet de loi asile et immigration, fermement défendu par l'exécutif depuis plusieurs mois, le ministre de l'Intérieur en tête, a été adopté définitivement mercredi 1er août par le Parlement, par un ultime vote à l'Assemblée nationale.

Le texte a été adopté par 100 voix contre 25 et 11 abstentions. La majorité LREM-Modem a voté pour, la droite et la gauche contre.

L'objectif affiché du texte "équilibré", selon Gérard Collomb – et officiellement intitulé "projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie" –, est de faciliter à la fois l'expulsion des déboutés du droit d'asile et l'accueil des acceptés.

Ce projet de loi a suscité de vifs débats, et ce dès le début de l'année 2018 lors de la parution des premiers brouillons du texte. Il a provoqué un fort émoi chez les associations d'aide aux migrants, ainsi que chez le Défenseur des droits, Jacques Toubon. Puis les controverses se sont prolongées entre parlementaires à l'Assemblée nationale dès la première lecture du texte, au mois de février, jusqu'à la nouvelle lecture du projet de loi au Sénat, rejeté mardi 30 juillet.

"Aucune certitude" sur les mesures de ce nouveau projet de loi

"Ce texte va être définitivement adopté le 1er août, en plein milieu de l'été, dans la précipitation, et sans que les acteurs du terrain aient vraiment été consultés", regrette Hélène Soupios-David, chargée de mission Europe à l'association France terre d'asile (FTA), interrogée par France 24. Depuis le départ, les associations sont vent debout contre ce projet de loi, qui prévoit notamment de réduire les délais, de 11 à 6 mois, pour déposer une demande d'asile.

L'exécutif juge la loi actuelle, qui date de 2015, sous-calibrée face aux arrivées – plus de 100 000 demandes d'asile en 2017, en hausse de 17 % – qui saturent les structures d'accueil. "On n'a toujours pas encore réussi à évaluer l'impact de cette précédente réforme, et on est déjà en train de changer le système, de faire des nouvelles mesures au nom d'une lutte contre l'immigration irrégulière. Mais on n'a aucune certitude que les mesures qui vont être adoptées aujourd'hui vont vraiment avoir l'impact que le gouvernement souhaite", nuance Hélène Soupios-David.

L'association France terre d'asile se "satisfait" cependant que des mesures techniques aient été mises de côté durant le processus législatif, "comme par exemple le fait de raccourcir de moitié le délai de recours contre une décision négative sur la demande d'asile."

Divisions à tous les niveaux

Le volet "fermeté" a mis à l'épreuve pour la première fois du quinquennat la majorité LREM-Modem. Quatorze députés se sont abstenus en première lecture au printemps, et un a voté contre, Jean-Michel Clément, provoquant son départ du groupe. En seconde lecture en fin de semaine dernière, 11 députés se sont abstenus, et une, Aina Kuric, a voté contre, sans toutefois être exclue de son groupe politique.

Le projet de loi a aussi généré des divergences de point de vue entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Ce dernier avait durci en première lecture le texte des députés, proposant "des alternatives crédibles aux fausses solutions du gouvernement", selon les mots du rapporteur Les Républicains François-Noël Buffet. Le Sénat a finalement rejeté le texte de l'Assemblée nationale en nouvelle lecture mardi, estimant qu'il "ne prend que marginalement en compte les préoccupations majeures exprimées par le Sénat".

Quant aux associations comme FTA, "un certain nombre des mesures" dans le projet de loi "restreignent les droits et sont toutes axées sur le volet plus répressif". Hélène Soupios-David prend en exemple l'allongement de la durée maximale de rétention administrative – qui permet d’enfermer un étranger en situation irrégulière faisant l’objet d’une mesure d’éloignement – à 90 jours : "C'est le double de la durée actuelle, alors que les statistiques le montrent : la grande majorité des personnes sont renvoyées dans les premiers jours de placement en rétention. Et ce n'est pas parce qu'on reste 90 jours qu'on sera renvoyé plus facilement."

"Délit de solidarité" et politique européenne

Autre point très discuté du projet de loi ces derniers mois : le "délit de solidarité", qui a été au centre d'une décision du Conseil constitutionnel début juillet. L'instance a consacré "le principe de fraternité", au nom duquel une aide désintéressée à des étrangers ne saurait être poursuivie.

Les députés ont transposé cette décision dans le projet de loi final, mais ce n'est pas la fin pour autant du "délit de solidarité", selon Hélène Soupios-David : "Il y a encore une large marge d'appréciation laissée à la police, aux juges, pour déterminer si une action a vraiment été faite dans un but humanitaire ou non. La rédaction actuelle [du projet de loi] n'empêchera pas certaines personnes, comme Cédric Herrou, d'être encore poursuivies pour des actes de solidarité."

Le gouvernement, par la voix de Gérard Collomb, s'est montré ferme sur ce projet de loi, justifiant notamment cela par le durcissement des politiques allemande et italienne sous l'effet de la montée de l'extrême droite.

Un avis que ne partage l'association France terre d'asile. Sa chargée de mission Europe explique : "La fermeture unilatérale par l'Italie de ses frontières fait que le Haut commissariat aux réfugiés compte qu'une personne sur sept meurt en tentant actuellement de traverser la Méditerranée, alors que ce taux était de 1 sur 18 il y a un an." Pour Hélène Soupios-David, "on a donc un impact sur la vie des personnes, mais pas d'impact sur la résolution de la crise, qui est une crise politique finalement."


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