Il a longtemps été admis que le stock de neurones était définitivement acquis à la naissance. Ces dernières années, le débat a été relancé par plusieurs études contradictoires. La dernière en date vient d'apporter une preuve supplémentaire de la neurogenèse jusqu'à un âge avancé et montre dans le même temps une chute de cette neurogenèse chez les malades d'Alzheimer ; peut-être une nouvelle piste dans l'explication de cette maladie.
Notre stock de neurones est-il définitivement acquis à la naissance ou continuons-nous d'en fabriquer de nouveaux tout au long de la vie ? Le débat fait rage chez les neuroscientifiques depuis quelques années. En 1998, une première étude avait découvert des cellules en division dans le cerveau humain, mais elle avait été contestée en raison de l'utilisation d'un biomarqueur interdit peu de temps après, et n'a donc pas pu être reproduite. En 2013, des chercheurs avaient calculé que le cerveau adulte générait encore 700 nouveaux neurones chaque jour, en faisant appel à la mesure de la décroissance radioactive du carbone 14 issu des retombées des essais atomiques. Mais d'autres chercheurs ont publié des preuves inverses : en 2018, une étude de Nature expliquait ainsi que le nombre de nouveaux neurones déclinait fortement dans l'enfance jusqu'à devenir « quasi indétectable » chez l'adulte.
Chaque année, nous fabriquons 300 neurones en moins par millimètre cube
Un an plus tard, María Llorens-Martín et son équipe de l'Université autonome de Madrid enfoncent le clou en faveur de la neurogenèse. Dans un article paru dans la revue Nature Medicine lundi 25 mars, elle a analysé 13 échantillons cérébraux de personnes âgées entre 43 et 97 ans et fraîchement décédées, et plus spécifiquement sur l'hippocampe, la partie du cerveau impliquée dans l'apprentissage, la mémoire et les émotions. Pour identifier les nouvelles cellules, les chercheurs ont utilisé quatre types d'anticorps qui détectent les protéines fabriquées par les neurones lorsqu'elles arrivent à maturité. Leurs calculs montrent que la neurogenèse continue bien tout au long de la vie, même si elle tend à ralentir : chaque année qui passe, nous fabriquerions ainsi 300 neurones de moins par millimètre cube.
Les chercheurs se sont également penchés sur les échantillons d'hippocampe de 45 patients atteints d'Alzheimer et âgés entre 52 et 97 ans. Là encore, on trouve la trace de neurones nouvellement formés, y compris chez la personne la plus âgée de 97 ans. Mais leur nombre semble diminuer drastiquement (-30 % en moyenne) et ce dès les premiers stades de la maladie, selon les observations des chercheurs.
Un nouveau mécanisme de la maladie d’Alzheimer ?
Cette découverte pourrait amener à une nouvelle piste pour la détection et le traitement de la maladie d'Alzheimer. Jusqu'à présent, la plupart des recherches se sont orientées sur l'accumulation de dépôts amyloïdes et de protéine Tau, qui induisent une dégénérescence neurofibrillaire aboutissant à la mort des cellules nerveuses. Recherches qui n'ont pas donné de résultats probants : 99 % des traitements expérimentaux échouent à montrer une efficacité lors des essais cliniques. « Notre étude montre qu'il existe un mécanisme indépendant du vieillissement physiologique qui conduit à un déclin du nombre de nouveaux neurones », explique au Guardian María Llorens-Martín. On ignore pour l'instant si cette baisse de neurogenèse est la cause ou la conséquence de la maladie. Elle pourrait en tout cas constituer un nouveau moyen de détection précoce.
- Une nouvelle étude avance que les neurones continuent à se former jusqu’à un âge avancé.
- La neurogenèse décline en revanche fortement chez les patients atteints d’Alzheimer.
- Il s’agit peut-être d’une nouvelle explication à la maladie, alors qu’on s’était jusqu’ici concentré sur les plaques amyloïdes.
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