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Le brevet, futur examen d’entrée au lycée ?

Claude Lelièvre, Université Paris Cité

Lors des multiples annonces du 5 décembre pour « un choc des savoirs », le ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal s’est prononcé pour une réforme profonde du brevet. Plus que de revoir la manière dont se déroule et s’organise cet examen, il s’agirait de toucher à sa nature même, c’est-à-dire de changer ses finalités et son rôle.

Aux évaluations de « compétences » converties en points, le ministre veut substituer un contrôle continu calculé à partir de la moyenne des notes obtenues dans chaque discipline. Il souhaite aussi que les épreuves terminales représentent 60 % de la note finale, au lieu de 50 % actuellement. Surtout, le diplôme du brevet devrait conditionner désormais l’accès direct au lycée. Il a déclaré :

« Les élèves en difficulté et qui n’obtiendront pas leur brevet ne feront pas leur entrée en seconde l’année suivante, mais rejoindront une classe “prépa-lycée” pour consolider leur niveau, rattraper leur retard et être mieux armés pour la suite. »

Cette obligation d’avoir le brevet pour entrer en seconde serait une nouveauté historique totale car elle n’a jamais existé jusqu’alors.

D’un brevet de capacité à un examen de fin de cycle

Le brevet n’a jamais eu la place emblématique du baccalauréat ou du certificat d’études comme le montrent son histoire assez tourmentée et ses appellations et fonctionnements plutôt instables. L’actuel Diplôme national du brevet est le résultat de cette histoire foncièrement compliquée, une histoire qui s’est davantage encore « emballée » ces dernières années au point que l’on a abouti à un montage tout à fait composite où différentes strates se juxtaposent sans véritablement se conjuguer.


Le Cannet : jour J pour le brevet des collèges (France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur, 2022).

Au XIXe siècle, le brevet est d’abord et avant tout un « brevet de capacité » qui certifie que l’on est « en capacité » de devenir maître (ou maîtresse) d’école, et plus généralement un examen qui est parfois requis (directement ou indirectement) pour être « en capacité » d’exercer certains métiers appartenant à ce que l’on appellerait maintenant la sphère des cadres intermédiaires.

En 1947, le brevet est transformé en « brevet d’études du premier cycle du second degré » (BEPC), son appellation nouvelle signant ce qu’il est devenu avant tout, à savoir un examen qui scande un cursus scolaire – celui du secondaire – désormais clairement constitué de deux « cycles ».

Bien que le BEPC soit considéré comme un examen de fin de cycle (le premier cycle du secondaire) à partir de 1947, sa détention n’a jamais été jugée nécessaire pour entrer dans le second cycle. À partir de 1978, c’est même en quelque sorte l’inverse qui a été décidé : les élèves ayant fait l’objet d’une orientation vers le second cycle de l’enseignement secondaire n’ont même pas à passer les épreuves du brevet pour l’obtenir. En 1981, le diplôme – désormais intitulé « brevet des collèges » – est attribué sans examen, au vu des seuls résultats scolaires.

Célébrer la fin de la scolarité obligatoire

En 1986, un examen écrit en mathématiques, français, histoire-géographie-éducation civique) est réintroduit par le ministre de l’Éducation Jean-Pierre Chevènement avec le triple objectif annoncé de « revaloriser le diplôme », de « motiver » davantage les élèves, et de les « préparer » à aborder des examens ultérieurement. Lors de sa première mouture, le taux de reçus ne dépasse pas 49 %. En 1988, pour l’essentiel sur cette base, est créé le « diplôme national du brevet », avec trois séries : collège, technologique et professionnelle.

Puis, à partir de 2012, « l’attestation de maîtrise des connaissances et des compétences du socle commun au palier 3 », qui correspond à la fin de la classe de troisième, est obligatoire. Le Conseil supérieur des programmes avait envisagé en 2013 de supprimer l’examen du brevet et de ne garder que la validation du socle commun, les compétences étant appréciées domaine par domaine (quatre compétences par domaine, soit une vingtaine au total).

En 2012, la DEEP (le service statistique de l’Éducation nationale) établit que 83,1 % d’une génération ont obtenu le brevet. Fin septembre 2015, la ministre de l’Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem déclare : « Nous voulons dès cette année 2015-2016 que le diplôme célèbre la fin de la scolarité obligatoire ; aussi nous créons dès cette année une cérémonie républicaine de remise des brevets […]. Je veux accorder toute son importance à ce rite de la fin de la scolarité obligatoire ».

On saisit ici nettement que dans le cadre d’une instruction obligatoire formulée comme un « socle commun de connaissances, de compétences et de culture », le « diplôme national du brevet » est perçu comme son évaluation.

Changer la nature de l’examen

Dès l’automne 2017, le nouveau ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer entend renforcer l’examen final. Avant 2017, le ministère avait privilégié la validation du socle. La plupart des élèves avaient assez de points pour avoir le brevet avant les épreuves finales. Les épreuves finales, où les notes obtenues sont le plus souvent inférieures à l’évaluation du socle n’avaient vraiment d’importance que pour les candidats les plus faibles qui étaient éliminés. Jean-Michel Blanquer prolonge la formule où il y a validation du socle plus examen classique, mais renforcé. Et il donne un poids plus lourd à certaines disciplines.

Finalement, la nouvelle logique du « socle commun de connaissances, de compétences et de culture » ne l’a pas emporté jusqu’au bout, et l’on s’est trouvé pris dans une sorte de compromis à géométrie variable où l’on ne sait pas vraiment quelle est la place de l’examen du brevet, aux modalités composites.

Le nouveau ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, vient de se prononcer pour une tout autre logique, totalement inédite : le « brevet » » doit devenir de fait un examen pour entrer en seconde. Un changement de cap pour le collège, et un changement de nature pour le brevet.

Claude Lelièvre, Enseignant-chercheur en histoire de l'éducation, professeur honoraire à Paris-Descartes, Université Paris Cité

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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