Selon le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, l’intégration des énergies renouvelables et des voitures électriques devrait se refléter légèrement sur la facture des consommateurs.
C’était l’un des premiers votes de l’Assemblée nationale de la rentrée. L’adoption définitive du texte sur l’énergie et le climat, mercredi 11 septembre, inscrit dans la loi l’« urgence climatique » et l’objectif de « neutralité carbone » pour 2050. Mais il est surtout nécessaire pour permettre la mise en application de la feuille de route énergétique de la France, la programmation pluriannuelle de l’énergie.
La loi acte notamment la baisse de la part du nucléaire dans la production d’électricité, pour atteindre 50 % en 2035 – contre 72 % aujourd’hui. Un objectif qui avait été initialement fixé à 2025 sous le mandat de François Hollande, sur lequel Emmanuel Macron et Nicolas Hulot ont reculé, le jugeant inatteignable.
La feuille de route énergétique prévoit donc que la France aura arrêté quatorze réacteurs nucléaires sur cinquante-huit en 2035, et qu’elle aura multiplié par plus de deux les installations éoliennes et par cinq celles de panneaux solaires. Un changement majeur dans la manière de produire de l’électricité, qui fait passer la France d’un schéma historiquement centralisé dans quelques lieux de production à une multitude de petits sites disséminés sur le territoire.
Des investissements colossaux
Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité (RTE), filiale d’EDF à 50,1 %, a présenté, mardi matin, sa stratégie de développement pour les quinze prochaines années, pour pouvoir faire face à ces défis. « Il ne faut pas voir le réseau comme un squelette, mais plutôt comme un athlète du haut niveau qui passe du triathlon au décathlon », a expliqué au Monde, François Brottes, le président du directoire de RTE.
« Aux enjeux habituels, il faut ajouter le développement des énergies renouvelables, l’arrivée massive du véhicule électrique, l’autoconsommation : il va falloir s’adapter ! »
Autrement dit : la transition énergétique implique un développement majeur du réseau électrique français, qui va nécessiter des investissements colossaux. RTE engage aujourd’hui 1,3 milliard d’euros par an pour maintenir et développer les lignes électriques. L’entreprise prévoit de passer à 2,2 milliards annuellement les quinze prochaines années, soit 33 milliards d’euros.
13 milliards concernent l’adaptation du réseau, 8 milliards le renouvellement des ouvrages les plus anciens, 7 milliards le raccordement de l’éolien offshore, 3 milliards le numérique et 2 milliards pour les interconnexions transfrontalières.
Un impact pour les consommateurs
Un coût qui aura un impact pour les consommateurs, puisque les investissements de RTE sont inclus dans un tarif spécifique, qui couvre les coûts du transport et de la distribution d’électricité, et équivaut à près d’un tiers de la facture. Si la Commission de régulation de l’énergieaccepte le schéma présenté par RTE, il faudra s’attendre à une augmentation annuelle de quelques centimes de ce tarif, qui vient s’ajouter aux taxes et au prix de l’énergie. « Ces coûts sont à relativiser, notamment au regard de ce qui est fait chez nos voisins », tient à souligner M. Brottes. « A titre de comparaison, nous estimons le coût de notre projet à 21 milliards d’euros sur dix ans, quand les Allemands prévoient 60 milliards. »
A quoi vont servir ces investissements ? Outre la rénovation d’un réseau qui a plus de 50 ans, il s’agit de construire de nouvelles lignes pour relier des sites de production de plus en plus nombreux aux lieux de consommation. « Mais, attention, un parc solaire n’écoule pas forcément tous ses électrons dans le village voisin et, la nuit, le village en question a besoin d’électricité qui vient d’ailleurs », explique M. Brottes. Le réseau a ainsi besoin d’être renforcé dans l’axe Normandie-Paris, sur la façade atlantique pour accueillir les parcs éoliens offshore, qui devraient commencer à produire à partir de 2021 et 2022, mais aussi dans le Massif central, un lieu de transit très sollicité et qui risque de l’être de plus en plus.
Ces dernières années, des riverains se sont souvent opposés à l’installation de lignes haute tension, une question que RTE a dû intégrer dans son schéma. « Nous savons qu’il y a sur les lignes aériennes une question d’acceptabilité sociale, donc nous prévoyons de faire essentiellement du souterrain », explique M. Brottes.
Mieux équipé en appareils de collecte de données
Mais il ne s’agit pas uniquement de construire de nouvelles lignes : le réseau va être mieux équipé en appareils de collecte de données, pour mieux faire face aux événements climatiques, aux fluctuations de la production, notamment de la part des énergies renouvelables, qui produisent de manière variable. Il va aussi devoir résoudre la problématique du stockage, à travers des batteries sur le réseau, mais surtout avec l’intégration de millions de véhicules électriques. « On estime qu’en 2035 les voitures électriques peuvent représenter en stockage l’équivalent de dix STEP [barrages hydroélectriques permettant de stocker de l’électricité] », s’enthousiasme M. Brottes, qui souligne que les batteries de ces véhicules, très souvent stationnés, pourront servir de relais au réseau.
L’évolution du réseau électrique est aussi soumise à une forte pression européenne : l’Allemagne prévoit, dans les prochaines années, de sortir du nucléaire, puis du charbon et d’augmenter ses capacités de production éolienne et solaire. Pour équilibrer le réseau, nos voisins vont devoir exporter de manière massive à certains moments et importer à d’autres. Pour répondre à cette évolution, les capacités d’échange avec les pays voisins seront doublées en quinze ans.
Un changement structurel qui devra donner lieu à une gestion du réseau encore plus fine qu’aujourd’hui. « Actuellement, on gère 300 000 données par seconde sur le réseau, on va passer à un million », prévoit M. Brottes.
Source : La transition énergétique devrait coûter 33 milliards d’euros sur quinze ans au réseau électrique