Poussé par des samples, des reprises et des plagiats, le carrousel de la pop mondiale tourne à vide.
I.Copie conforme
Bono pivote autour du micro, accroché à son pied comme à une barre de pole dance. D’un geste leste, il déplie les genoux et se redresse pour affronter le miroitement des téléphones. Une immense foule le filme. À l’aube de la soixantaine, U2 est reparti en tournée autour du monde afin de célébrer les trente ans de l’album The Joshua Tree. Lors de chaque concert, des images de routes vides défilent derrière les Irlandais sur un écran géant. Tout à la fois, le public traverse les grands espaces américains et les époques. Vertige.
Personne ne pouvait l’entendre mais, à Washington, Londres ou Berlin, un écho anachronique parasitait le concert. À force de jouer de vieux morceaux, le groupe a fait resurgir les démons d’un autre âge. Alors qu’il n’étaient pas au programme, les riffs de guitare du titre « The Fly », sorti en 1991 sur l’album Achtung Baby, trottaient dans la tête de Bono. Le 19 juillet 2017, en pleine tournée, il a envoyé un courrier au tribunal du district de Manhattan : « The Fly », protestait-il, « n’a rien à voir » avec « Nae Slappin », un morceau instrumental composé en 1989 par Paul Rose.
Depuis février, ce dernier poursuit le groupe en justice pour plagiat. Un quart de siècle après la sortie d’Achtung Baby, le guitariste britannique espère couvrir son préjudice par cinq millions de dollars. À l’époque, argue-t-il, une démo de « Nae Slappin » avait été envoyée à Island, le label de U2, qui l’aurait réutilisée pour « The Fly ». Pourquoi a-t-il mis tant de temps avant d’agir ? Mystère. Sans doute la pratique était-elle bien moins utilisée jadis. Et surtout moins payante.
Ces derniers mois, les procédures se succèdent à un rythme échevelé. En avril, le chanteur britannique Ed Sheeran a accepté de dédommager Martin Harrington et Thomas Leonard pour qu’ils retirent leur plainte. Son tube « Photograph » n’est, selon les deux hommes, qu’une copie de « Amazing », qu’ils ont composé pour Matt Cardle. Deux semaines plus tôt, Sheeran avait déjà dû ajouter les auteurs de «
Dans la même veine, Mark Ronson et Bruno Mars ont été contraints de rendre crédit aux cinq membres de The Gap Band en mai 2015. En y ajoutant les deux ayant-droits d’un autre titre samplé, cela porte le nombre de co-auteurs d’ « Uptown Funk » à onze, soit autant de personnes à partager les bénéfices. Un an plus tard, White Hinterland traînait Justin Bieber devant les tribunaux. Dès les premières notes de «
Le doute s’installe. À en croire l’un des producteurs les plus célèbre du moment, Diplo, il ne peut s’agir que d’un sample. Sauf que, le 27 mai, celui qui a réalisé l’instru de « Sorry » sort du bois. Sur Twitter, Skrillex publie une
Sur les conseils du producteur, Julia Michaels partage aussi la vidéo. Mauvaise idée. « Les gens ont pensé que c’était moi qui attaquait tout le monde en justice », se lamente-t-elle. « Ils ne regardent même pas qui sont les compositeurs d’une chanson, ils s’imaginent que l’artiste a tout fait lui-même. J’ai reçu plein de commentaires haineux. » Qui fait quoi et qui copie qui ? La confusion n’existe pas seulement du côté du public puisque White Hinterland paraissait convaincue que Skrillex l’avait détroussée alors que sa matière première était originale. Originale mais néanmoins analogue....
Lire la suite sur Uluyces.co - La pop est-elle à bout de souffle ?