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Jouer à « faire semblant » aide-t-il les enfants à grandir ?

Tracy Gleason, Wellesley College

Quelle que soit l’école maternelle que vous visitiez, vous y croiserez certainement un enfant en train de faire semblant d’être quelqu’un d’autre. Ce type de jeu, propre à la petite enfance, est universel. Et au-delà de l’amusement qu’il procure aux enfants, ce jeu, comme tous les jeux d’imagination, est considéré par certains comme essentiel à un bon développement.

Des recherches ont mis en avant un lien entre jouer à faire semblant et le développement de la créativité, la compréhension des autres et la sociabilité de l’enfant.

En tant que psychologue intéressée par ces questions, ayant souvent l’occasion de me rendre dans des classes de maternelle, j’ai rencontré de nombreux enfants pour qui un ami imaginaire ou l’imitation d’un personnage étaient plus qu’un simple divertissement. Ces activités reflétaient souvent les sujets qui les préoccupent.

Alors en quoi ces jeux sont-ils bénéfiques pour les enfants ? Leur apprennent-ils à être plus habiles dans leur comportement en société ? Ou est-ce que ce sont les enfants déjà à l’aise sur le plan social qui s’adonnent à ce type de jeux ?

Penser selon des perspectives différentes

Jouer à se comporter comme un autre donne l’occasion aux enfants d’explorer le monde sous différents angles et leur demande de se projeter dans deux façons d’aborder les choses à la fois, ce que les enfants ont du mal à faire dans d’autres circonstances.

On imagine donc aisément en quoi cela aide un enfant à développer ses aptitudes à vivre en société. Par exemple, s’il joue à être une maman, il doit imaginer ce qu’elle ressent si son bébé pleure ou ne se comporte pas bien. S’il fait semblant d’être le chien de la famille, il doit inventer des moyens de communiquer avec le « maître » sans passer par la parole.

En général, c’est entre trois ans et cinq ans que les enfants commencent à s’inventer des amis imaginaires. Shutterstock

L’enfant qui se crée un ami imaginaire explore par ce jeu toutes les nuances de l’amitié – sans avoir à gérer l’imprévisibilité du comportement d’une autre personne ni mettre en danger une amitié réelle.

L’enfant qui se fait passer pour un super-héros peut s’imaginer atteindre des objectifs ambitieux comme aider les autres et réussir des sauvetages audacieux. Il ressent alors des pouvoirs qu’il n’est pas possible de ressentir autrement quand on en est encore au stade de la petite enfance.

L’art délicat de la négociation

Lorsque les enfants jouent à ces jeux d’imagination, ils doivent constamment tenir compte de leurs propres comportements et des signaux qu’ils envoient pour être clairs sur le message qu’ils veulent transmettre aux autres. Et ils doivent aussi être attentifs aux informations émises par leurs camarades et apprendre à les déchiffrer.

Ce type de communication se produit aussi dans le monde réel mais, dans l’espace imaginaire, il faut être encore plus attentif à tous ces détails pour que le jeu se coordonne correctement. Les enfants s’engagent alors dans des niveaux sophistiqués de communication, de négociation, de compromis et de coopération.

Certaines recherches montrent que les enfants qui participent à ces simulations de situations sociales passent presque autant de temps à négocier les conditions et cadres du jeu qu’à jouer vraiment. Ces expériences leur seront utiles lorsqu’ils auront à gérer des règles de jeux collectifs dans le voisinage, à se partager le travail en groupe au lycée ou à évaluer les avantages d’une première offre d’emploi.

Différencier causes et corrélations

Les études qui associent le jeu de rôle à tous ces résultats positifs établissent des corrélations. En d’autres termes, un enfant socialement astucieux et compétent est plus susceptible d’être intéressé par le jeu de rôles, ce n’est pas forcément le jeu de rôle qui rend l’enfant plus astucieux socialement. Il est également possible qu’une autre variable, comme l’éducation parentale, joue dans les liens qui se tissent entre l’intérêt pour ces jeux d’imagination et le fait de bien s’entendre avec les autres.

Angeline Lillard, une éminente spécialiste du domaine, a examiné des dizaines d’études avec ses collègues et y a trouvé peu de preuves pour soutenir l’idée que c’est le jeu de rôle lui-même qui entraîne les résultats positifs en matière de développement.

Au contraire, affirment ces auteurs, faire semblant pourrait n’être qu’un moyen d’y arriver. En clair, le jeu de rôle et les résultats positifs pourraient être soutenus par d’autres facteurs, tels que la présence d’adultes encourageants, des jeux axés sur des thèmes positifs et prosociaux, et les traits de caractère des enfants eux-mêmes, comme leur intelligence et leur sociabilité.

Quoiqu’il en soit, les chercheurs ne manquent pas de souligner que les enfants aiment jouer et sont motivés pour le faire. Les adultes qui souhaitent encourager la prise de recul, l’empathie, l’apprentissage de la négociation et la coopération auraient donc tout intérêt à réfléchir à la bonne manière de passer par de tels jeux d’imagination pour transmettre ces compétences à un jeune public.

Tracy Gleason, Professor of Psychology, Wellesley College

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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