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L’économiste regrette, dans sa chronique au « Monde », que les tensions internes au gouvernement aient conduit à s’écarter de la stricte logique d’un système par points.

Chronique. 1993, 2003, 2007, 2010, 2013… 2019 : voici donc venir la sixième réforme des retraites. A coups de changement des règles d’indexation, de recul de l’âge légal et d’augmentation de la durée de cotisation, les cinq premières ont surtout cherché à contenir la hausse du poids des pensions dans le revenu national. Nécessaires du fait de la démographie, elles ont été douloureuses : si les hommes nés en 1940 sont partis à 60 ans avec 80 % de leur salaire, ceux nés en 1980 partiront à 64 ans avec un revenu amputé d’un tiers. Mais elles ont atteint leur objectif en faisant baisser de cinq points de PIB (120 milliards d’euros en valeur 2019) la masse des pensions projetée pour 2040.

Le problème du financement des retraites est donc pour l’essentiel réglé. Cette litanie de réformes a cependant altéré les perceptions collectives. Au fur et à mesure que les perspectives financières s’amélioraient, l’inquiétude des Français a augmenté. En 1995, ils n’étaient que 22 % à en faire un souci prioritaire ; en 2015, 47 %, selon les études du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc). Les plus jeunes redoutent que, les réformes succédant aux réformes, le régime par répartition ne leur apporte pas grand-chose.

Uniformiser l’acquisition des droits à pension

C’est dans ce contexte qu’il faut analyser le projet de système universel par points proposé en juillet par le rapport Delevoye. Il ne vise pas cette fois à réduire le coût de la répartition mais à la refonder en uniformisant l’acquisition des droits à pension, en assurant leur portabilité d’un métier et d’un statut à l’autre, en donnant plus de latitude aux choix individuels et en établissant des principes pérennes de pilotage du système.

L’enjeu de cette réforme, c’est d’abord l’égalité des règles. Les Français sont aujourd’hui persuadés que les dés sont pipés. Comme l’avait souligné en 2016 un rapport de France Stratégie, « Lignes de faille »,ils doutent de leurs institutions sociales. A côté des grands privilèges, les petits pérennisent la perception d’une grammaire sociale faussée. Avec deux conséquences lourdes : collectivement, un pessimisme exacerbé ; individuellement, la quête du salut par l’accès à des positions qu’il s’agit ensuite de défendre pied à pied.


Lire la suite : Jean Pisani-Ferry : « Le message brouillé de la réforme des retraites »


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