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Comme souvent, c'est chez lui, à Neuilly, que Jean d'Ormesson reçoit. Comme toujours, il est alerte, souriant, accueillant, bref, «épatant», pour reprendre son adjectif favori. Le visage ne change pas: «Le nez de Raymond Aron et les yeux de Michèle Morgan», disait-on au Figaro avant qu'il n'y entre. Avec le pétillement de Jean Poiret en plus, ce qui est une bonne chose.

Jean d'Ormesson avait signé un discours brillant au moment de remettre son épée d'immortel à l'écrivain haïtien Danny Laferrière le 26 mai 2015 à la mairie de Paris, et également écrit, dans Le Figaro, une vigoureuse tribune contre la réforme du collège initiée par la maison socialiste. Il recevait «cent lettres de lecteurs par jour», s'amusait d'avoir été élevé au rang de grand-croix de l'ordre national de la Légion d'honneur par François Hollande («N'est-ce pas paradoxal?») et ignorait si Fleur Pellerin avait lu ses livres plus que ceux de Modiano.

L'académicien, entré dans la Pléiade, est mort d'une crise cardiaque dans la nuit de lundi à mardi. Il avait 92 ans.

LE FIGARO - Près de soixante ans après votre premier roman, L'amour est un plaisir, savez-vous au fond ce qui vous a poussé à écrire?

Jean d'Ormesson - Je peux vous répondre très précisément. Je me suis mis à écrire très tard puisque j'avais près de 30 ans. J'ai fait de longues études, et l'idée d'écrire ne me passait pas par la tête. Vous savez, à l'Ecole normale, on n'écrit pas de roman. D'abord, on travaille en permanence, et si on écrit quelque chose, c'est une thèse sur Le Temps chez Spinoza ou La Dialectique chez Kierkegaard, mais certainement pas un roman. Je n'avais absolument pas la vocation à être romancier, si bien que lorsque j'ai écrit un roman pour la première fois, c'était pour plaire à une fille. Inutile de vous dire que cela n'a pas du tout marché!

Néanmoins, vous étiez publié…

Oui. J'ai déposé mon manuscrit chez Gallimard et j'ai attendu quinze jours la réponse de Gaston Gallimard, qui ne m'a naturellement jamais écrit. Et donc un samedi soir - on travaillait encore le samedi, dans l'édition -, j'ai déposé le même manuscrit chez René Julliard, qui m'a appelé le dimanche matin à 7 heures pour me dire qu'il trouvait mon livre épatant et meilleur que ce que faisait Sagan, qu'il venait de publier, que ça allait être un succès énorme, etc.

Mon père m'a dit: «Tu vas te présenter à Normale. Quand tu seras agrégé, tu ne prendras pas de poste, tu découvriras que tu veux faire médecine. Tu auras la foi et tu voudras devenir jésuite»

Je dois beaucoup à plusieurs personnes: Jacques Rueff, Pierre Lazareff, Paul Morand, Aragon, Emmanuel Berl, mais plus que quiconque, je dois beaucoup à Julliard. Lequel s'était tout de même un peu trompé: ce n'a pas du tout été un succès énorme, ni celui-ci ni les suivants! D'abord parce que c'était moins bon que Sagan, ensuite parce que j'avais contre moi quelqu'un de puissant: Pierre Brisson du… Figaro(rires)!préface de Marc Fumaroli, édition établie par Bernard Degout, avant-propos de Jean d'Ormesson.


Lire la suite : Jean d'Ormesson: «J'ai écrit mon premier roman pour plaire à une fille» - Le Figaro


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