Il s'agit probablement de l'un des pires faits divers de ces dernières décennies. Le 21 décembre 1997, le corps mutilé de Mokhtaria Chaib, 19 ans, est retrouvé dans un terrain vague, à Perpignan. Ses seins ont été découpés, ses parties génitales aussi. Le tueur a prélevé plusieurs organes de la victime, que les enquêteurs ne retrouvent pas sur la scène de crime. Les découpes paraissent si précises que les médecins amenés à autopsier le corps évoquent l'hypothèse qu'un boucher, un chirurgien, un vétérinaire ou même un équarrisseur puisse en être à l'origine.
Un rapprochement est fait avec le meurtre de Marie-Hélène Gonzalez, 22 ans, survenu quelques mois plus tôt. La dépouille est trouvée le 26 juin 1998 dans un autre terrain vague en périphérie de la ville. Lorsqu'il est découvert, le corps est en état de décomposition. La tête et les mains ont été prélevées post-mortem. Là encore, les légistes concluent que l'auteur des faits a un minimum de connaissances anatomiques, humaines ou animales, et qu'il a l'habitude de manier des objets tranchants. Les plaies évoquent l'usage d'un couteau de type Laguiole.
Un ADN sur la chaussure droite
Le crâne de la Marie-Hélène ne sera retrouvé que six mois plus tard dans un ruisseau. Impossible, cependant, de dater la mort avec précision. Interrogés, des ramasseurs d'escargots disent ne rien avoir remarqué, tandis que des promeneurs assurent avoir constaté une odeur nauséabonde au milieu de l'été. Des ouvriers agricoles qui travaillent dans le coin expliquent quant à eux que leurs chiens sentaient mauvais lorsqu'ils revenaient, après avoir fureté dans les buissons…
Les enquêteurs auditionnent des dizaines de personnes pour tenter de reconstituer les dernières heures des jeunes victimes. Le spectre d'un tueur en série hante le sud de la France. Au fil des ans, les chances de retrouver le suspect s'amenuisent. Mais les progrès scientifiques permettent de récupérer un ADN masculin sur la chaussure droite de Mokhtaria. L'ADN ne correspond cependant à aucun de ceux compilés dans le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg).
« Je n'ai pas réussi à lui faire l'amour »
Il faudra attendre octobre 2014 pour qu'un nouveau logiciel permette de comparer, au sein du Fnaeg, des profils partiels. La réponse tombe très rapidement : un rapprochement peut être fait entre l'ADN récupéré sur la chaussure de la victime et celui de Jacques Rançon, déjà connu pour des faits de viol et d'agression sexuelle. L'homme, qui était sorti de prison quelques mois avant le meurtre de Marie-Hélène, avait été entendu dans la présente procédure. Mais les enquêteurs n'étaient parvenus à trouver aucun élément probant à son encontre.
Entendu en garde à vue, il n'avoue que lors de sa sixième audition. Il explique froidement, avec beaucoup de détails, s'être débarrassé des organes de Mokhtaria dans une bouche d'égout, mais nie les faits de viol, précisant ne pas avoir « réussi à lui faire l'amour ». Jacques Rançon revient par la suite plusieurs fois sur ses aveux, jusqu'à adresser un courrier au juge d'instruction : « Si c'était moi, en 17 ans, il y auret ut d'autres quat similaire » (sic).
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