ALGÉRIE - Le mystère s'épaissit autour de la mort des moines de Tibhirine. En 1996, les sept religieux ont été enlevés dans leur monastère de l'Atlas algérien par le GIA (groupe armé islamiste), puis assassinés plusieurs semaines plus tard, le 21 mai. Une version confirmée par les autorités algériennes. Mais ce jeudi 29 mars, Radio France révèle que le dossier comporte de nombreuses incohérences. D'ailleurs, selon l'avocat des familles des victimes, la version officielle servie par les autorités algériennes "ne tient pas".
Revenons sur les fait: dans la nuit de 26 au 27 mars, les sept moines sont enlevés par une vingtaine d'hommes armés et l'attaque est revendiquée le jour même par Djamel Zitouni, le chef du Groupe armé islamique (GIA). Celui-ci menace de les égorger. Le 23 mai, le groupe revendique l'assassinat le 21 mai des religieux séquestrés. Le 30 mai, sept têtes sont découvertes sur une route de Médéa, sans les corps.
Ce jeudi 29 mars, Radio France et sa cellule d'investigation ont pu se procurer les conclusions des dernières expertises concernant la mort des sept moines trappistes. Et ce qui en ressort est assez troublant:
- D'une part, les victimes ont vraisemblablement été assassinées plusieurs semaines avant la découverte officielle des sept tête, et non pas le 21 mai, comme annoncé. "L'hypothèse de décès survenus entre le 25 et le 27 avril [1996] reste plausible compte tenu de l'état de décomposition des têtes au moment de leur découverte", précise l'enquête.
- D'autre part, les corps ont été décapités post mortem et ne comportaient aucune trace de balles. "L'analyse au micro-scanner n'a pas révélé de particules métalliques sur les sept prélèvements osseux", est-il écrit dans le rapport. "Un constat qui affaiblit la thèse d'une bavure d'un hélicoptère de l'armée algérienne, comme l'indique un témoin dans le dossier judiciaire", précise le média.
- Enfin, les têtes ont été inhumées une première fois avant leur découverte. Elles ont donc été enterrées puis déterrées avant d'être laissées sur le bord de la route.
"Il s'agit d'une avancée extrêmement importante dans le dossier, déclare l'avocat des familles des moines, Patrick Baudouin, cité par Radio France. À la lumière de ces expertises, nous pensons que la version officielle des autorités algériennes, à savoir un enlèvement et une exécution par le GIA, cette version simpliste ne tient pas. Il y a trop d'éléments remis en cause par ce rapport, en particulier le fait que la mort des moines est très vraisemblablement bien antérieure à ce qui a été avalisé par les autorités algériennes."
Interversions dans l'identification
Autre fait troublant: selon le média "si l'expertise génétique confirme que les sept crânes examinés 'sont bien ceux des sept moines', en revanche, 'les identités associées aux scellés ne correspondent pas aux identités réelles' des religieux". Ce qui veut dire que les crânes présentés par les autorités lors des analyses ne correspondent pas aux bonnes personnes. "Il y a manifestement eu des interversions dans l'identification, que les analyses ADN permettent de rétablir", précise Radio France.