Le dérapage d'un juge de Nanterre (Hauts-de-Seine) sur le devoir conjugal, en pleine audience, mercredi, a suscité une vague de réactions toute la journée de vendredi. A froid, Me Migueline Rosset, l'avocate de la femme victime, revient sur cet incident «grave».
Alors qu'un homme comparaissait pour des menaces de mort ultraviolentes à l'encontre de sa femme, le juge a fait remarquer à la victime qu'elle se soustrayait à son devoir conjugal en découvrant que le couple faisait chambre à part.
Comment analysez-vous cette dérive du juge ? Migueline Rosset. Jamais je n'ai entendu une telle sortie de la bouche d'un juge. Il y a encore des gens qui pensent que le devoir conjugal existe... On voit bien qu'il y a des progrès à faire sur le sujet. Là, ce qui est hallucinant, c'est que, dans l'esprit d'un magistrat, on en est encore au manuel d'économie domestique des années 1960 qui décrit ce que la femme doit faire pour satisfaire son mari et se soumettre à ses désirs... Cette affaire n'est pas une banale histoire de prétoire mais un vrai dérapage. Grave et scandaleux. D'autant plus préoccupant que, outre la référence au devoir conjugal, durant toute l'audience le juge a eu une attitude qui banalisait les faits. Cela étant, je tiens à voir aussi le côté positif de cette affaire.
Le côté positif ? Les réactions ont afflué toute la journée. J'ai reçu des appels de confrères de toute la France qui eux non plus n'ont jamais entendu une chose pareille dans leurs dossiers. Ce qui montre bien que ce juge est un cas à part et ne reflète pas l'approche des magistrats en matière de violences conjugales. Au contraire, depuis quelques années, ils font des efforts pour mieux traiter les violences conjugales. Ils participent à des formations, mettent en place des politiques pénales dédiées. Il y a une vraie prise de conscience dans les tribunaux. Ce dérapage est un cas isolé.
Comment a réagi votre cliente ? Elle était très mal en sortant de l'audience, recroquevillée sur elle-même en attendant le jugement. Puis elle est partie : après ce qu'elle avait entendu, elle a pensé que tout ça ne servait à rien et qu'elle n'avait pas été prise au sérieux. (NDLR : jugé pour des menaces de mort, l'époux a finalement été condamné à six mois de prison ferme.) En se rendant compte de l'indignation suscitée par les propos du juge, elle a été rassurée. Il faut comprendre que les violences conjugales commence presque toujours par des menaces et que, jour après jour, le mari dit à la femme que c'est de sa faute. Là, le drame, c'est que c'est un juge qui lui dit que c'est de sa faute. A elle, qui avait eu tant de mal à déposer plainte, comme toutes les victimes de violences au sein du couple.
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