Dans sa chronique, Stéphane Lauer, éditorialiste au « Monde », relève que la crise des « gilets jaunes » illustre aussi les limites d’une logique qui a conduit les gouvernements successifs à recourir à la dette pour pallier leurs impérities.
Chronique. Face à la déferlante des « gilets jaunes », Emmanuel Macron a donc enfilé son gilet de sauvetage en mettant sur la table un train de mesures visant à répondre enfin aux principales revendications de ce mouvement social inédit.
Cent euros de plus par mois pour les salariés payés autour du smic, annulation de la hausse de la CSG pour les retraités gagnant moins de 2 000 euros par mois, défiscalisation des heures supplémentaires et d’une prime exceptionnelle facultative versée par les entreprises, auxquelles s’ajoutent l’annulation de la hausse de la taxe sur les carburants ou encore le gel de la hausse de l’électricité. Cet inventaire à la Prévert a fait des treize minutes du discours du président de la République prononcé, lundi 10 décembre, le prime time le plus cher de l’histoire de la télévision : environ 1 milliard d’euros les soixante secondes. Ces annonces, évidemment indispensables au regard de la situation, ont néanmoins été rapidement tournées en dérision par ceux qui sont en attente du « grand soir ».
« Des miettes ! », s’est plaint Jean-Luc Mélenchon, le leader de La France insoumise (LFI). « Opération pièces jaunes », a renchéri le député LFI de Seine-Saint-Denis, Alexis Corbière, dans un tweet. Un ex-auteur des Guignols, Bruno Gaccio, a été jusqu’à dire que ce qu’accordait le gouvernement lui faisait penser à ces dames patronnesses qui donnaient leurs collants filés à leurs femmes de ménage en leur disant « Tenez, ma petite, ils sont à peine usés ».
La valeur de l’argent public dans ce pays est décidément à géométrie variable. Ce qui sort des caisses de l’Etat est systématiquement tenu pour quantité négligeable. Ce qui y entre est régulièrement assimilé à un détroussement du contribuable. Au-delà de l’excès réel de prélèvements obligatoires qui explique, en partie, la protestation des « gilets jaunes » et la chute légitime du consentement à l’impôt, la pédagogie en matière de finances publiques a encore des progrès à faire.
On emprunte encore à « prix d’ami »
Ceux qui permettent d’assurer les fins de mois non seulement des « gilets jaunes », mais de la nation tout entière n’ont pas pris les annonces de M. Macron pour des « collants filés ». Malgré tout, nos chers créditeurs payeront, une fois de plus, rubis sur l’ongle l’essentiel de la dizaine de milliards nécessaires au financement de l’annulation de rentrées fiscales inscrites au budget ou de nouvelles dépenses non prévues. Avant ces « miettes », ils avaient déjà prévu de nous permettre de lever 225 milliards d’euros pour combler notre déficit budgétaire en 2019, soit 30 milliards de plus que cette année.
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