Le président américain a annoncé son intention de bloquer les investissements chinois dans certains domaines technologiques. Une mesure bien plus handicapante pour Pékin que les droits de douane.
Toujours plus. Les droits de douane infligés à la Chine semblent ne plus suffire à Donald Trump. Le président américain a l'intention d’accroître d’ici la fin de la semaine la pression commerciale sur Pékin, affirmaient dimanche 24 juin plusieursmédias américains. Il souhaiterait que la Chine devienne investisseur non grata dans des secteurs technologiques comme la robotique, l'aéronautique, ou encore les énergies renouvelables. Une sanction qui, à court terme, semble moins douloureuse pour la Chine que la taxation de ses exportations, mais pourrait se révéler plus handicapante pour ses ambitions économiques à long terme.
Les contours de cette nouvelle offensive américaine contre la Chine restent encore flous. Mais en substance, "il s’agit de rendre systématique un mécanisme qui existe déjà aux États-Unis", souligne Jean-François Dufour, spécialiste de l'économie chinoise pour le cabinet de conseil Montsalvy. Les États-Unis disposent d’un organisme, le Comité pour l’investissement étranger aux États-Unis, chargé d’évaluer chaque projet d’investissement. Ces dernières années, sa principale activité était de s’assurer que Pékin n’investissait pas dans entreprises stratégiques pour les États-Unis.
Les 5,01 milliards de dollars qui valent plus que 400 milliards de dollars
En apparence, cette mesure n’est pas du même calibre que les droits de douane. La sanction américaine serait limitée à un petit nombre de secteurs très spécifiques et, surtout, l’ensemble des investissements chinois sur le sol américain a drastiquement chuté, passant de 26,9 milliards de dollars en 2016 à 5,01 milliards en 2017. En comparaison, Washington a déjà commencé à imposer des taxes sur 50 milliards de dollars de biens exportés de Chine et veut élargir le champ d’application de ces tarifs à plus de 400 milliards de dollars d’exportations chinoises.
Mais ces 5,01 milliards de dollars d'investissements valent, en fait, plus que les 400 milliards de dollars d'exportations. "En 2017, Pékin a décidé de reprendre en main tous les investissements afin de se concentrer sur les domaines énumérés dans son très important plan 'made in China 2025' ; c'est ce qui explique la chute constatée des montants investis", rappelle Jean-François Dufour. Finis les rachats à prix d’or d’hôtels de luxe, les autorités chinoises mettent désormais l'accent sur les domaines technologiques. Les dix priorités énumérés dans le programme 'made in China 2025' correspondent presque mot pour mot aux domaines dans lesquels Donald Trump veut interdire de nouveaux investissements chinois.
"Les droits de douanes affectent des secteurs qui, en Chine, sont déjà arrivés à maturité ou sont sur le déclin, alors que cette nouvelle mesure menace la stratégie industrielle du pays pour l’avenir", résume Jean-François Dufour. Les investissements permettent, en effet, à la Chine non seulement d'acquérir des participations dans des entreprises d’avenir, mais aussi de négocier des transferts de technologies.
La guerre commerciale est déclarée
Donald Trump espère ainsi ralentir la Chine et l'empêcher d'atteindre ses objectifs stratégiques. Pour Jean-François Dufour, le doute n'est plus permis : cette fois-ci, la guerre commerciale est déclarée. "Les droits de douane sont des mesures défensives consistant à protéger des industries nationales, alors que les restrictions à l'investissement sont une sanction offensive destinée à contrecarrer les plans de développement chinois", explique-t-il.
Elles risquent de faire d’autant plus mal à la Chine qu’il n’existe pas de riposte efficace. Elle ne peut pas, comme dans le cas des droits de douane, se contenter d'une réponse du berger à la bergère, car Pékin est bien plus dépendante de la technologie américaine que l'inverse. Les autorités chinoises peuvent, certes, compliquer la vie aux entreprises américaines qui veulent faire des affaires en Chine. "Boeing et General Motors, qui misent beaucoup sur le marché chinois, doivent être inquiets, mais Pékin n'a pas intérêt à mettre trop de bâtons dans les roues de ces entreprises car cela priverait le pays d’un autre canal de coopération technologique", note Jean-François Dufour.
Pour lui, la meilleure solution pour Pékin serait d’aller chercher les technologies dans d’autres pays. Mais cette stratégie aussi a ses limites : "Les autres États qui constateraient une augmentation des investissements chinois dans des secteurs stratégiques pourraient alors décider d'imiter Washington pour éviter tout pillage technologique", estime l'économiste français. Pour un pays qui, comme la Chine, dépend autant du commerce mondial pour sa croissance, ce serait un scénario catastrophe.