Ce que nous redoutions depuis des années s’est produit hier, mardi 28 novembre, à l’université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou, au Burkina Faso, lors des échanges qui ont fait suite au discours de M. Macron. Une façon arrogante, pour ne pas dire plus, de la part de M. Macron, d’exprimer le déni de l’histoire monétaire françafricaine, renvoyant les dirigeants africains à leur servitude monétaire volontaire, les mettant à nu de la pire des façons, à travers des réponses d’une violence symbolique inouïe, dont la plus emblématique fut sans doute : « Le franc CFA est un non-sujet pour la France. »
Le franc CFA fait couler beaucoup d’encre, depuis longtemps, avec une accélération et une tension sans précédent depuis quelques mois. On était donc en droit de s’attendre de la part de M. Macron, dans le cadre d’un discours à une jeunesse africaine préoccupée à juste titre par son avenir, à des propos structurés, réfléchis et fortement argumentés sur sa vision de l’avenir de cette monnaie, à l’intérieur même de son discours. Mal nous en a pris, car de franc CFA, il ne fut guère question.
Siphonage des ressources africaines
Il a donc fallu attendre qu’une remarque lui fut faite par un étudiant burkinabé pour l’entendre enfin exposer sa vision : imprécise, caricaturale et, pour finir, déshonorante pour les dirigeants africains.
Imprécise, car M. Macron semble ignorer que cette monnaie fut imposée aux Africain.e.s dans le cadre des turpitudes de la colonisation française. En effet, le franc CFA est le produit de la création de la Banque du Sénégal en 1855, banque créée grâce aux ressources versées par la métropole française aux esclavagistes en guise de réparations après l’abolition de l’esclavage le 27 avril 1848. Cette banque deviendra, au début du XXe siècle, la Banque de l’Afrique de l’Ouest (BAO), qui aura le privilège d’émission de la monnaie ancêtre du franc CFA qui naîtra officiellement le 26 décembre 1945, dix ans avant la création de l’Institut d’émission de l’Afrique occidentale française (AOF) et du Togo, lequel institut deviendra la Banque centrale des Etats
C’est dire si le fait monétaire en Afrique francophone épouse les contours de la violence esclavagiste, coloniale et postcoloniale. Rien que pour cela, pour les souffrances des paysan.e.s africain.e.s obligé.e.s de payer l’impôt en franc CFA, dont la disponibilité exclusive était liée à la rémunération de la production et de la vente des produits de rente (café, cacao, coton) et donc l’abandon des cultures vivrières, M. Macron aurait dû faire preuve de respect et de plus d’égards à l’endroit des enfants et petits-enfants de paysan.e.s burkinabé.e.s qui ont payé un lourd impôt colonial, fait de travail forcé et de déportations massives vers la zone « office du Niger » au Mali.n des politiques publiques du Togo.