Steve Mnuchin, le secrétaire au Trésor, pense que Donald Trump est un « idiot », Rupert Murdoch, le tout-puissant patron de Fox News, l'a qualifié de « gros con », H. R. McMaster, le général chargé de la sécurité nationale, d' » andouille » et Gary Cohn, qui dirige le Conseil national économique, dit qu'il est « bête comme ses pieds ». Dans un courrier électronique envoyé en avril, il décrit ainsi son président : « C'est pire que ce que vous pouvez imaginer. Un idiot entouré de clowns. Trump ne lit rien – pas même un mémo d'une page… Je suis dans un état constant de choc et d'horreur. »
Fire and Fury : Inside the Trump White House (Le Feu et la Fureur : À l'intérieur de la Maison-Blanche), un livre sur les premiers mois de présidence de Donald Trump, recèle ces anecdotes croustillantes. La lecture des extraits que plusieurs médias viennent de publier avant sa sortie, le 9 janvier, est édifiante. Son auteur, le journaliste indépendant Michael Wolff, a bénéficié d'un accès extraordinaire à la Maison-Blanche, passant beaucoup de temps dans la West Wing avec l'aval du locataire du Bureau ovale. Peu après l'investiture, dit-il, il a réussi à se trouver « une place quasi permanente sur un canapé dans la West Wing », profitant du chaos qui règne à cette époque à la Maison-Blanche, si bien que personne n'a l'autorité pour le mettre dehors ou lui imposer des règles. Son livre, basé sur des centaines d'interviews, dresse un portrait dévastateur de la Maison-Blanche, de l'incompétence et de l'ignorance des équipes, de l'atmosphère toxique et des guerres intestines entre Steve Bannon, l'ex-patron du site d'extrême droite Breitbart News devenu stratège en chef, et « Javanka », le couple formé par Jared Kushner et Ivanka Trump. Les deux clans se battent pour avoir l'oreille du président, s'affrontent sur la politique, Bannon professant un populisme très à droite alors que Jared Kushner, ex-démocrate libéral et juif, plaide pour des positions plus modérées. Selon Henry Kissinger, l'ex-secrétaire d'État cité dans le livre, « c'est la guerre entre juifs et non-juifs ».
Celui qui ne voulait pas devenir président
Certaines histoires sont déjà connues, d'autres viennent probablement de sources peu fiables dans une administration où les clans passent leur temps à essayer de manipuler les médias, mais c'est le premier ouvrage qui éclaire la campagne électorale et la présidence de Trump de l'intérieur. Le magnat de l'immobilier, comme toute son équipe, est persuadé qu'il va perdre les élections. Il ne cesse de critiquer ses conseillers, tous des « losers » (perdants), et son organisation « merdique ». Il est, en revanche, convaincu que « les Clinton sont de brillants gagnants ». « Ils ont les meilleurs et nous avons les pires », répète-t-il, selon un extrait du livre publié par le New York Magazine. Il est sidéré quand Robert Mercer, un milliardaire d'extrême droite qu'il connaît à peine, se montre désireux d'investir 5 millions de dollars dans sa campagne. « Trump ne refuse pas son aide – il se contente d'exprimer sa vaste incompréhension sur le fait que quelqu'un voudrait faire un truc pareil. »
Mais celui qui se vante de toujours gagner est ravi de perdre. Il n'a jamais voulu devenir président. Il n'a qu'un but : revenir à sa vie dorée d'avant et à son cher golf. De plus, il a promis à sa femme Melania qu'il ne serait pas président. La campagne a dopé sa réputation, sa marque, et cela va lui ouvrir des tas d'opportunités. « Ça va bien plus loin que tout ce dont j'ai rêvé », dit-il à Roger Ailes, le patron de Fox News. « Je ne pense pas à la défaite, parce que ce n'est pas perdre. On a complètement gagné. » Le soir des élections, quand il réalise qu'il est en train de s'imposer, son fils, « Don Jr, dira à un ami que son père – ou DJT, comme il l'appelle – avait la mine de quelqu'un qui a vu un spectre. Melania était en pleurs, et pas de joie ».
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