Faire craquer ses articulations… Risques et origine d’une petite manie pas si anodine

Santé
The Conversation

Pour certains, faire craquer ses doigts apporte un soulagement éphémère. D'autres y voient une (douloureuse) hérésie articulaire. Jtas / Shutterstock

Neil Tuttle, University of Tasmania

Il y a deux types de personnes : celles qui ont l’habitude de faire craquer les articulations de leur main, et celles qui ne le peuvent pas… Et qui sont souvent irritées par les premiers !

Qu’y a-t-il derrière cette petite manie ? Et pourquoi, d’ailleurs, se « faire craquer » ? D’où vient ce bruit si caractéristique ? Cette pratique est-elle dangereuse ? Les idées reçues sont légion.

Avant de poursuivre, il est important de noter que nous parlons dans cet article de personnes qui font craquer leurs propres articulations (doigts, cou, etc.). C’est ce qu’on appelle l’« auto-manipulation ». Lorsqu’un physiothérapeute ou un chiropraticien fait craquer (ou manipule) votre colonne vertébrale, l’origine des bruits est la même, mais les conséquences peuvent être très différentes de celles dont il est question ici.

Bien qu’elle puisse agacer amis et famille, l’automanipulation de nos articulations n’est probablement ni utile ni nuisible directement pour l’individu.

Pourquoi faire craquer ses articulations ?

Tout simplement parce que nous nous sentons mieux, plus souples ou moins raides après coup (au niveau de l’articulation manipulée tout du moins).

Le soulagement n’est toutefois que temporaire et ses effets s’estompent après une vingtaine de minutes, ce qui conduit généralement les « craqueurs » à récidiver.

Si le craquement des articulations peut sembler incompréhensible pour nous, les « non-craqueurs », nous avons des comportements similaires.

Par exemple la « pandiculation » (du latin s’étendre, s’allonger) : il s’agit de cet étirement presque universel que nous faisons après avoir été inactifs – même les chiens, les chats, les éléphants, les araignées ou les moutons à naître le font.

Même les araignées ont besoin de s’étirer de temps en temps.

L’envie de « pandiculer » et ses effets transitoires sont similaires aux craquements des articulations. Cependant, on pense que la pandiculation a des effets positifs sur le corps en rétablissant et en réinitialisant l’équilibre structurel et fonctionnel. Il n’en va pas de même pour le craquement des articulations…

Qu’en est-il du risque d’arthrite ?

Presque tous ceux qui s’automanipulent ont eu droit à la remarque – généralement par un individu exaspéré par ce comportement – qu’il allait se provoquer de l’arthrite, voire de l’arthrose plus tard.

Soyons honnêtes : la menace ne tient plus. Il est maintenant clair que ce n’est pas le cas.

Le médecin américain Donald Unger a fait craquer les articulations d’une seule de ses mains pendant plus de 50 ans : la vérité est qu’il n’a constaté aucun signe d’augmentation de l’arthrite par rapport à l’autre main. Il a reçu pour cela le Prix Ig Nobel de médecine en 2009, une récompense pour des réalisations exceptionnelles dans le domaine de la recherche.

Une autre étude menée chez deux groupes de personnes âgées, certaines s’étant fait craquer et les autres non, a également constaté que ce comportement n’augmentait pas l’incidence de l’arthrite. De même, elle n’était pas plus élevée dans les articulations qui avaient pu être fêlées suite à cette pratique.

Il existe bien quelques rapports de blessures dues au craquement des articulations, mais ces cas sont probablement trop mineurs et peu fréquents pour être très préoccupants.

En bref, le craquement des articulations ne semble pas avoir d’effets négatifs importants.

D’où vient le bruit ?

Il faut revenir un instant sur ce qui se passe lors du craquement. Avec la force appliquée sur l’articulation, le « craqueur » sépare les deux surfaces articulaires et la pression locale diminue. Et ce jusqu’à ce que ces surfaces se séparent soudainement et qu’une bulle se forme par un processus connu sous le nom de cavitation.

Une simulation de claquement articulaire.

Un effet similaire peut également se produire avec une articulation simulée, comme dans la vidéo ci-dessus. La partie du processus qui provoque le bruit de craquement chez les humains n’est toutefois pas encore totalement identifiée.

Selon une théorie, le bruit est produit par la formation de la bulle elle-même. Une autre suggère qu’il s’agit de la rupture du « joint adhésif » fluide entre les surfaces, comme lorsqu’on retire une ventouse d’un mur.

Image IRM à haute vitesse de la fissuration de l’articulation. Lorsque les surfaces articulaires sont séparées, le volume augmente soudainement et une bulle (la zone sombre qui apparaît au milieu de l’articulation) se forme.

Quel intérêt évolutif ?

La question la plus intéressante est peut-être de savoir pourquoi nos articulations se sont développées de sorte qu’elles soient capables de craquer.

J’ai récemment eu une conversation avec Jérôme Fryer, chercheur canadien qui a participé à l’étude susmentionnée sur la simulation d’une articulation. Il a soulevé une idée intéressante qui n’a pas été publiée : cette capacité de nos articulations pourrait-elle finalement avoir un intérêt ?

Lorsque sa simulation modélisait des articulations remplies d’eau normale, leurs surfaces se séparaient facilement – plus que ce qui s’observe réellement. Il y avait formation de bulles mais le fameux son de craquement n’était pas produit.

Par contre, lorsque l’articulation simulée était remplie d’une eau traitée pour éliminer tous les gaz dissous et les bulles microscopiques, elle se comportait davantage comme une véritable articulation. C’est-à-dire qu’il fallait exercer une force beaucoup plus importante pour en séparer les surfaces, plus proche de ce qu’on observe en condition réelle. Et ce n’est qu’à ce moment-là qu’un craquement était obtenu.

Peut-être que le fait qu’il faille une grande force pour écarter les deux parties de nos articulations, ce qui va de pair avec le son de craquement, peut être très utile en participant à leur stabilité. Et en fournissant ainsi une protection contre les dommages.

Ce claquement serait ainsi simplement le témoin de la grande stabilité de nos articulations, de la force qu’il faut déployer pour les séparer. Ce petit signal sonore pourrait alors faire partie d’un système de protection contre les dommages causés à nos précieuses articulations…

Neil Tuttle, Musculoskeletal Physiotherapist & Senior Lecturer, University of Tasmania

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


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