ÉTATS-UNIS - Au 89e jour de sa présidence, Donald Trump a posé son feutre et fait ce qu'il fait de mieux et le plus souvent depuis son entrée en fonction: présenter aux caméras, pour la postérité, un document signé de sa main.
Plus de cinquante fois depuis le début de son mandat, il a invité les médias, objets de ses attaques incessantes, pour exhiber ses pleins et déliés sur un acte présidentiel, document absolument inutile la plupart du temps pour atteindre le but visé.
Ses prédécesseurs ont également signé décrets et ordonnances. Aucun ne s'est cru obligé d'étaler sa calligraphie. "C'est de la com'", avance William Chafe de l'université de Duke. "Une manière de donner l'impression qu'il sait ce qu'il fait."
C'est d'ailleurs plutôt une illusion, étant donné que le président n'a fait passer aucun texte significatif, y compris les dix projets de loi qu'il avait promis de présenter au Congrès au cours de ses cent premiers jours de mandat.
"Ses seuls actes majeurs ont été des décrets", ajoute l'historien, sachant que ces décisions avaient peu d'envergure: à quelques exceptions près, les agences concernées n'avaient même pas besoin du sceau présidentiel pour les appliquer.
Au siège de l'entreprise d'outillage Snap-on, à Kenosha dans le Wisconsin, par exemple, Donald Trump a signé le décret "Achetez et embauchez américain" sous les applaudissements des employés, annonçant que ce texte protégerait salariés et étudiants comme eux.
Sauf que le texte traite des achats d'agences fédérales sous le contrôle de la présidence et demande à ses propres services d'étudier la manière de resserrer certaines conditions d'obtention d'un visa de travail. Pourquoi donc promulguer un décret (généralement utilisé pour modifier une loi ou des règlements) quand un simple courriel ou coup de fil aurait suffi?
Coups de pub
"Un décret présidentiel indique à tous les fonctionnaires et employés fédéraux qu'il s'agit d'un ordre du président des États-Unis, consigné par écrit", explique un haut fonctionnaire sous couvert de l'anonymat, dans l'avion officiel Air Force One qui ramène le président à Washington D. C. "C'est l'acte exécutif le plus élevé dans l'ordre hiérarchique."
Deux jours plus tard, devant les caméras, Donald Trump signait un mémorandum ordonnant au département du Commerce de vérifier si les importations d'acier concurrençaient de manière déloyale la sidérurgie américaine. Pourquoi en passer par cet acte officiel au lieu d'une simple demande au ministre, Wilbur Ross? "Il a promulgué ce texte pour nous signifier qu'il s'agit d'une priorité à exécuter rapidement", a expliqué celui-ci, reconnaissant qu'il s'était penché sur la question la veille, c'est-à-dire avant la promulgation.
Le lendemain, le secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, admettait que le décret présidentiel pris la veille pour revoir le code des impôts n'était pas non plus indispensable, quoi qu'ait pu laisser penser la signature télédiffusée en grande pompe. "Ces décrets ont pour but d'affirmer qu'il s'agit là de priorités du président et du gouvernement et d'en démontrer l'importance au peuple américain", a justifié l'intéressé.