Maldives, Malaisie, Sri Lanka, Pakistan… De plus en plus d’Etats destinataires de chantiers pharaoniques accusent Pékin de les mettre sur la voie du surendettement.
Il avait été inauguré avec faste, fin août 2018, par l’ancien président maldivien Abdulla Yameen. En quelques mois, le « pont de l’amitié Chine-Maldives » est devenu le symbole des tensions qui s’accroissent entre Pékin et l’archipel de l’océan Indien. Cet édifice de 2,1 kilomètres, reliant la capitale, Malé, à l’île artificielle abritant l’aéroport international, est le projet phare des investissements menés sur place par la Chine dans le cadre de sa stratégie des « nouvelles routes de la soie ».
En septembre, des élections ont délogé le très prochinois M. Yameen du fauteuil présidentiel. Depuis, le nouveau gouvernement tente de mettre au jour les sommes colossales que la micronation d’environ 400 000 habitants doit au géant asiatique. Ces dernières années, l’archipel a massivement emprunté auprès de Pékin pour financer des projets immobiliers, des infrastructures aéroportuaires, un hôpital ou encore le fameux pont. Le tout dans des conditions très opaques.
« Nous devons maintenant racheter notre souveraineté à la Chine », martèle Mohamed Nasheed, ex-président des Maldives (2008-2012) et conseiller du nouveau président, Ibrahim Mohamed Solih. Un audit des sommes engagées est en cours. Mais, selon de premières estimations, l’exposition vis-à-vis de la Chine s’élèverait au minimum à 1,5 milliard de dollars (1,3 milliard d’euros). Voire, selon M. Nasheed, jusqu’à plus de 3 milliards, en comptant emprunts, subventions et garanties.
Un fardeau insoutenable pour un pays dont le produit intérieur brut (PIB) est inférieur à 5 milliards de dollars. Ses termes – montant, taux d’intérêt, échéances de remboursement – doivent être renégociés avec Pékin, réclame le pouvoir en place. « Une bonne partie de cet argent a été simplement volée », affirme un proche de M. Nasheed au Monde.
Rébellion
La controverse qui agite l’Etat insulaire est le dernier épisode d’une séquence qui s’est ouverte il y a plusieurs mois. Dans toute l’Asie, des pays destinataires des chantiers des « nouvelles routes de la soie », voyant leur endettement s’envoler, commencent à se rebiffer. Une rébellion qui jette une ombre sur ce vaste programme de liaisons terrestres et maritimes, lancé par le président chinois Xi Jinping en 2013, et financé à coups de dizaines de milliards de dollars de prêts chinois dans des territoires parfois vulnérables.
Comme aux Maldives, ces frondes se développent fréquemment à la faveur d’élections. Des candidats font campagne en relayant les inquiétudes de l’opinion vis-à-vis des investissements chinois, leur impact financier ou leurs faibles retombées pour le tissu local. Avec des effets très concrets une fois qu’ils sont portés au pouvoir.
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