Les élections provinciales, six mois après le « non » au référendum pour l’indépendance, redessinent en profondeur la carte politique, en particulier dans le camp loyaliste.
Les indépendantistes du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) ont manqué leur pari aux élections provinciales qui se sont tenues dimanche 12 mai en Nouvelle-Calédonie. Mais il s’en est fallu de peu. Dynamisés par les 43,3 % recueillis par le « oui » à l’indépendance lors du référendum du 4 novembre 2018, ils espéraient, grâce à un mode de scrutin qui les avantage, faire basculer la majorité au Congrès. Ce dernier reste aux mains des loyalistes, qui conservent 28 sièges sur 54, tandis que les différentes composantes indépendantistes en totalisent 26.
Pour autant, ces élections, six mois après un référendum qui avait suscité surprise et inquiétude, voire peur, chez les partisans de la « Calédonie française », redessinent en profondeur la carte politique, en particulier dans le camp loyaliste. Elles marquent en effet un large succès pour la liste L’Avenir en confiance conduite par Sonia Backès, regroupant trois mouvances proches du parti Les Républicains en métropole : Les Républicains calédoniens, Le Rassemblement-Les Républicains et le Mouvement populaire calédonien. En obtenant 40,6 % dans la province Sud, la plus peuplée et la plus riche, elle décroche 21 sièges sur 40 à l’assemblée provinciale et envoie 16 représentants au Congrès.
Un succès qui s’est construit au détriment de Calédonie ensemble, la formation loyaliste modérée présidée par Philippe Gomès, favorable à une large autonomie, qui détenait jusqu’à présent les principaux postes de décision du territoire : la présidence du gouvernement (Philippe Germain), la présidence de la province Sud (Philippe Michel), les deux sièges de député (Philippe Gomès et Philippe Dunoyer) et un des deux sièges de sénateur (Gérard Poadja). Celle-ci subit un véritable effondrement.
Calédonie ensemble, qui détenait 15 sièges dans le Congrès sortant, n’en occupe plus désormais que 7. Cette élection voit en revanche l’émergence d’une liste présentée par L’Eveil océanien, s’adressant principalement aux communautés wallisiennes et futuniennes, qui, en rassemblant 8,6 % des suffrages dans la province Sud, obtient 2 sièges au Congrès.
51,8 % des sièges pour les loyalistes
Le revers est d’autant plus marqué pour la formation de Philippe Gomès que la liste conduite par Gérard Poadja dans la province Nord, où elle avait trois élus, ne parvient même pas à franchir la barre nécessaire de 5 % des inscrits pour avoir des élus, et disparaît de l’hémicycle de l’assemblée provinciale. C’est une liste conduite par le maire de Kouaoua, Alcide Ponga (non-indépendantiste), qui, en rassemblant 12,2 % des suffrages, récupère trois sièges.
Dans cette province largement acquise aux indépendantistes, que préside depuis vingt ans Paul Néaoutyine, l’homme fort du Palika, la concurrence est toujours aussi serrée entre celui-ci et l’Union calédonienne, présidée par Daniel Goa. Les deux principales composantes du FLNKS sont une nouvelle fois bord à bord : 38,5 % pour la liste de M. Néaoutyine, qui devrait conserver la présidence de la province, et 36 % pour celle de M. Goa.
Enfin, dans la province des îles Loyauté, les formations indépendantistes se répartissent la totalité des sièges. Les loyalistes ne sont pas parvenus à faire leur entrée dans l’assemblée provinciale.
Sous réserve de confirmation, les loyalistes devraient donc détenir 28 sièges sur 54 dans le prochain Congrès territorial, ainsi répartis : 16 pour L’Avenir en confiance, 7 pour Calédonie ensemble, 3 pour L’Eveil océanien et 2 pour Agissons pour le Nord. Les indépendantistes, ayant gagné un siège par rapport à l’assemblée précédente, en totalisent 26.
Matignon se félicite
La chef de file de L’Avenir en confiance, Sonia Backès, qui devient la principale actrice de la scène politique calédonienne, s’est félicitée de cette large victoire qui la met en position de force pour engager les discussions avec les indépendantistes et avec le gouvernement sur la sortie de l’accord de Nouméa, que cette mandature aura à négocier. « Il y avait pour nous deux enjeux : que les loyalistes conservent la majorité au Congrès et que l’on puisse avoir un changement. C’est pour nous la victoire de l’union », a déclaré la présidente des Républicains calédoniens, tout en tendant la main à ses « partenaires de Calédonie ensemble ».
Matignon a suivi avec attention ces élections désignant les responsables qui seront à la tête des institutions calédoniennes. « Je me félicite du déroulement de ces élections, a réagi le premier ministre, Edouard Philippe. Comme nous en avons convenu lors du dernier comité des signataires, en décembre 2018, le gouvernement va se rapprocher des responsables qui seront désignés dans les prochaines semaines pour reprendre le dialogue sur l’avenir du territoire. » Un avenir qui s’annonce toujours aussi incertain.
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