Des casques doués de "son 3D" — alors qu'il s'agit au mieux d'une virtualisation surround, donc seulement 2D — aux attractions foraines "5D" en passant par la 4DX : les D sont les nouveaux X. Jusqu'ici, seules une ou deux dimensions étaient ajoutées, histoire d'innocemment gonfler la sauce, sans avoir l'air d'y toucher. C'était le bon vieux temps, ma bonne dame : tapis dans l'ombre de la rédac, on attendait, avec un sentiment de crainte mêlé de curiosité malsaine, le moment où la surenchère marketing allait nous mener à une escalade dépassant les limites de l'entendement, et bien sûr celles de la physique. Ça y est, nous y sommes. Mesdames et messieurs, accrochez-vous fermement à vos Hamilton et Bourbaki : voici venir la déferlante de l'Audio… 8D.
D'ailleurs, est-on certain que le D de 8D fasse référence aux dimensions ? Même pas : dans un article, il est écrit avec grande confiance "La '8D' (huit dimensions) est une technique de mixage qui permet d'entendre des musiques ou des sons de huitdirections différentes." — bien sûr, après deux glorieux siècles d'analyse vectorielle, pourquoi s'embêter à différencier deux concepts comme "dimension" et "direction" ? Ou à les manier correctement : dans un autre article, on lit "La musique 3D, elle, est bien concrète. Elle va au-delà de la stéréophonie (2D), qui se contente de balancer le son de gauche à droite." — sauf que "la stéréophonique qui se contente de balancer le son de gauche à droite", c'est de la 1D. Bref, outre la nécessité d'un bon dépoussiérage mathématique, rien n'est clair — ni pour ceux qui font de l'audio 8D, ni pour ceux qui en parlent.
Le D à x faces
On cause, on cause, mais on ne vous a toujours rien fait écouter. Enfilez donc votre plus beau casque, et accordez-nous le temps d'écoute de ces quelques morceaux "en 8D".Le premier exemple, proposé par la chaîne YouTube 8D Tunes, fait plutôt bien son travail : les mouvements circulaires autour de l'auditeur (2D) sont spatialisés en binaural, leur trajectoire évolue en fonction de la structure, du mix ou de l'arrangement du morceau (cut, break, etc.) et une réverbération est ajoutée pour créer un effet de pièce crédible. Le second exemple, s'il bénéficie toujours d'une spatialisation binaurale, ne s'adapte pas au morceau (le mouvement circulaire ne varie jamais) et, surtout, souffre de graves problèmes de distorsion. Outre le fait de ne pas respecter le mix original donc, il dégrade sa qualité. Le petit dernier offre quant à lui un tour gratuit à la fête à Neu-Neu : on régresse vers un bête autopan gauche/droite (1D), réglé à une vitesse fixe capable de vous filer la nausée en 8(D) secondes chrono. Chacun y va d'ailleurs de sa petite recette ; quand certains s'en tiennent strictement à la formule la plus basique, d'autres s'en donnent à cœur joie et ajoutent quelques ingrédients-surprises — pourquoi pas une réverb d'église par-ci, ou un superflanger par-là.
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