Les disputes permettent aux enfants d'identifier ce qui les met en colère et de développer des stratégies de gestion des problèmes. Fizkes/Shutterstock
Disputes entre frères et sœurs : les parents doivent-ils intervenir ?
Alejandro Cano Villagrasa, Universidad Internacional de ValenciaLes raisons pour lesquelles des frères et sœurs se disputent sont nombreuses. Dans ces situations, les parents sont souvent confrontés à un dilemme : « Dois-je intervenir dans le conflit ou vaut-il mieux les laisser le résoudre par eux-mêmes ? »
Pour répondre à cette question, il est nécessaire de comprendre quels sont les facteurs qui sous-tendent les disputes des enfants, à quoi elles servent et, le cas échéant, quand et comment intervenir.
Les particularités des émotions enfantines
La joie, la tristesse, la colère, la peur, la surprise et le dégoût sont les six émotions dites primaires, qui existent chez l’être humain dès les premiers stades de son développement. Cela signifie que les gens naissent avec une prédisposition à comprendre et à exprimer les émotions.
Progressivement, à partir de l’âge de trois ans, apparaissent des émotions secondaires qui, bien que basées sur les émotions primaires, sont plus complexes et conditionnées par l’environnement : la jalousie, l’envie, l’empathie, la fierté, etc.
Toutes ces émotions jouent un rôle essentiel dans l’expérience, la survie et le développement de l’être humain ; elles façonnent notre façon de percevoir et de nous sensibiliser au monde.
Les émotions, pendant l’enfance, présentent certaines particularités. Elles se caractérisent surtout par leur versatilité (les enfants passant d’une émotion à l’autre avec une relative facilité), leur intensité (l’émotion est omniprésente) et leur simplicité (la complexité émotionnelle se développant avec l’expérience).
Les émotions sont étroitement liées au tempérament, un ensemble de comportements innés en réponse à des stimuli environnementaux. En psychologie, on distingue trois tempéraments de base : difficile, lent et facile, qui dépendent d’un certain nombre de variables telles que la quantité de mouvement, la régulation du sommeil, de l’alimentation et de l’excrétion, le degré de distractibilité, la réaction à la nouveauté, l’adaptation aux changements environnementaux, le temps que l’enfant consacre à une activité, le seuil de sensibilité, l’intensité de la réaction et l’humeur générale.
Le tempérament est la partie biologique de la personnalité. Il reste statique et stable au cours du développement de la personne.
Les frères et sœurs se ressemblent davantage que deux personnes sans lien socioaffectif. Cependant, les différences les plus frappantes entre eux sont des aspects qui dépendent du tempérament. C’est précisément pour cette raison que, dans l’environnement familial, les différences de tempérament influenceront la nature des relations qu’ils entretiennent.
L’« utilité » des disputes
Bien que les disputes des enfants puissent créer une atmosphère familiale inconfortable, elles sont utiles : elles permettent aux enfants d’identifier ce qui les met en colère, d’apprendre à fixer des limites et de développer des stratégies de gestion des problèmes, entre autres.
Elles font également partie d’un processus d’apprentissage au cours duquel des normes sociales sont transmises et établies. Elles permettent aux enfants d’appréhender la réalité dans les différents contextes dans lesquels ils évoluent.
Les compétences qui résultent de ces situations seront utiles aux enfants pour leur développement émotionnel, leurs interactions sociales et la gestion des difficultés dans la vie adulte.
Parmi les choses que les parents peuvent faire pour rendre ce processus de maturation aussi productif que possible, il en est une qui peut sembler évidente mais qui fait toute la différence : agir envers les enfants de la manière dont nous aimerions qu’ils agissent lorsqu’ils interagissent les uns avec les autres.
C’est ce que préconise dans le domaine scientifique la théorie de l’apprentissage social du psychologue canadien Albert Bandura, selon laquelle l’être humain apprend en observant d’autres personnes que l’on appelle des modèles.
Le rôle des parents : l’éducation émotionnelle
L’observation des adultes qui les entourent peut ne pas suffire pour que aider les enfants à acquérir des stratégies de résolution des conflits. Il est essentiel de connaître un peu le cerveau des enfants pour comprendre certains de leurs comportements et réactions.
Les neurosciences montrent que la partie émotionnelle du cerveau, c’est-à-dire celle qui gère les émotions, est complète dès la naissance. En revanche, la partie rationnelle – dont le rôle fondamental est la sélection des comportements, l’autorégulation et l’autocontrôle – vient seulement de se développer vers l’âge de 20 ans. En d’autres termes : les enfants ont beaucoup d’émotions, mais personne pour les contrôler.
Les enfants peuvent ne pas disposer de suffisamment de stratégies pour résoudre leurs problèmes par eux-mêmes. Dans ce cas, il est important que les parents jouent le rôle de médiateurs en leur offrant des lignes directrices afin qu’ils les intègrent peu à peu dans leur répertoire comportemental et qu’ils finissent par être capables de gérer les problèmes par eux-mêmes.
Voici quelques points à prendre en compte dans cette médiation :
Restez calme. Il est important que les parents servent de modèles à leurs enfants. Par conséquent, le maintien d’une attitude calme aidera les enfants à établir des modèles de régulation émotionnelle et comportementale appropriés.
Donnez à l’enfant le temps de calmer son côté émotionnel et de laisser le côté rationnel prendre le dessus. Les adultes, lorsqu’ils ressentent une émotion très intense (surtout si elle est négative), ont également besoin d’un moment pour s’autoréguler sur le plan émotionnel.
Ne prenez pas parti pour l’un ou l’autre des enfants
Acceptez les émotions des enfants, sans les juger. Même si les émotions sont négatives, il est utile pour les enfants d’éprouver toutes sortes d’émotions.
Étiquetez les émotions. Il est nécessaire que les enfants identifient et comprennent l’émotion qu’ils ressentent afin de pouvoir la réguler plus tard.
Encouragez l’empathie : « Comment penses-tu que ton frère se sent maintenant ? »
Favorisez une communication assertive. Les moments de conflit sont essentiels pour déterminer ce qui ne fonctionne pas dans la relation. Il est essentiel de communiquer avec assurance, c’est-à-dire d’être capable d’exprimer clairement ses sentiments et ses besoins sans manquer de respect à l’autre ou le rabaisser.
Cependant, dans certaines situations, les parents doivent intervenir directement (disputes violentes, abus entre frères et sœurs…). Dans ces situations, il est important de rester calme, de les séparer et d’attendre qu’ils intègrent les émotions qu’ils ressentent pour pouvoir ensuite appliquer les stratégies mentionnées ci-dessus.
Nadia Porcar Gozalbo, orthophoniste et étudiante en psychologie, a collaboré à la rédaction de cet article.
Alejandro Cano Villagrasa, Profesor en el Grado de Logopedia y Psicología, Universidad Internacional de Valencia
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.