Quatre constructeurs chinois de smartphones ont pu avoir accès aux données personnelles des utilisateurs de Facebook. L’un d’entre eux, Huawei, est considéré par les services américains de renseignement comme une menace pour la "sécurité intérieure".
Pékin a-t-il consulté les informations personnelles de millions d’utilisateurs de Facebook? C’est la question qui se pose après que le réseau social a finalement reconnu, mardi 5juin, avoir accordé l’accès à ses données à au moins quatre constructeurs chinois de smartphones. L’un d’entre eux, le géant chinois Huawei est soupçonné, depuis 2012, de partager des informations avec l’armée et les services de renseignement chinois.
Cet aveu intervient deux jours après les révélations du New York Times concernant des accords passés entre Facebook et une soixantaine de fabricants de téléphone. L’article, que le réseau social contestait en partie, affirmait qu’en vertu de partenariats noués il y a plus d’une décennie, des géants de la Tech, tels que Samsung, Apple, Microsoft ou encore BlackBerry pouvaient connaître les penchants religieux, politiques ou encore la situation matrimoniale des utilisateurs Facebook qui possèdent un de leurstéléphones. Pire: ces sociétés avaient accès aux informations des amis Facebook de ces utilisateurs, même s’ils avaient bloqué le partage de leurs données personnelles.
Huawei, Lenovo, Oppo, TCL
Ces révélations posaient, de nouveau, la question de la protection des données personnelles des utilisateurs de Facebook, deux mois à peine après le scandale Cambridge Analytica. Le fait que des groupes chinois - Huawei, Lenovo, Oppo et TCL - fassent partie de la soixantaine de constructeurs concernés ajoute un vernis politique à cette affaire, à même d’embarrasser un peu plus le réseau social.
“J’aimerais bien savoir comment Facebook a pu s’assurer qu’aucune des informations collectées n’a été transférée à des serveurs en Chine [auxquelsPékin a accès, NDLR]”, a réagi Mark Warner, un sénateur démocrate qui siège à la Commission sur le renseignement du Congrès américain.
Dans le contexte de tensions diplomatiques et commerciales entre les États-Unis et la Chine, le “made in China” est perçu avec suspicion à Washington. Surtout lorsque Huawei y est mêlé. Fondé par un ex-ingénieur de l’Armée populaire de libération chinoise, ce géant de l’informatique et des télécommunications a bénéficié des largesses financières des banques publiques chinoises pour se développer. Ses liens avec le pouvoir politique et militaire sont établis, et Huawei a d’ailleurs reconnu que l’armée chinoise disposait d’une cellule au sein du groupe, sans préciser quelle était sa raison d’être. Autant de détails qui ont poussé le législateur américain à estimer que Huawei posait “un risque pour la sécurité nationale américaine”.
“Contrôle strict” de Facebook
Fondées ou non, les mises en garde des autorités américaines ont déjà poussé des groupes américains à couper les ponts commerciaux avec Huawei. L’opérateur téléphonique AT&T a ainsi refusé, en janvier 2018, de vendre le dernier smartphone de la marque chinoise sur le sol américain.
Face au tour politique pris par l’affaire, Facebook s’est voulu rassurant. Les partenariats avec “Huawei, Lenovo, Oppo et TCL étaient soumis à un contrôle strict dès le départ, et Facebook approuvait tout ce qui était fait [par ces groupes]”, a précisé Francisco Varela, vice-président du réseau social. Il a ajouté que toutes les informations auxquelles Huawei pouvait avoir accès étaient “stockées sur les appareils, et non pas sur des serveurs de Huawei”. Pékin ne pouvait, de ce fait, pas fouiller dans la vie privée des utilisateurs de Facebook équipés de smartphones chinois.
Conscient qu’après la débâcle Cambridge Analytica, les assurances de Facebook sur la protection de la vie privée risquent de ne pas suffire, le groupe californien a profité de l’occasion pour annoncer une révision à la baisse du partenariat avec Huawei. Après tout, le réseau social n’est pas à l’abri d’un scénario à la Cambridge Analytica, où les informations personnelles de 80 millions d’utilisateurs avaient été siphonnées à l’insu de Facebook.