Une photographe a exploré les lieux de sexualité entre hommes, des "espaces de liberté" dissimulés en périphérie des villes.
ls se retrouvent au beau milieu des dunes battues par le vent, sur un bout de plage dissimulé entre des interstices rocheux, près d'un étang, dans un sous-bois planqué à l'arrière d'un centre commercial, dans une usine désaffectée, sur le recoin d'une aire d’autoroute, dans une maison abandonnée ou sur les rives d'un lac artificiel.
Pendant cinq ans, la photographe belge Amélie Landry, 36 ans, a sillonné la France en quête de ces "espaces libres", des lieux de rencontres sexuelles entre hommes, d'habitude si peu exposés au regard féminin.
Les usagers interrogés par la photographe décrivent un lieu de plaisir, d'"amour Kleenex", un "exutoire", un endroit où tuer l'ennui aussi.
Des lieux de sexualité entre inconnus qui ne se définissent pas tous comme homosexuels. Pour Hervé, un usager, ils donnent "accès à quelque chose de sauvage, d'animal" :
"Les hommes se rapprochent, se touchent, peuvent rester un long moment à échanger, à partager des choses très fortes, parfois sans avoir même entendu le son de leurs voix. Je trouve ça assez beau."
Parce qu'ils ont progressivement été repoussés des centres-villes, ces lieux sont aujourd'hui essentiellement implantés en périphérie des villes.
"Le désir trouve la place qu’on veut bien lui accorder dans l’espace public", dit joliment Amélie Landry.
Son travail photographique et de documentation, soutenu par l'agence Vu, a donné lieu à un ouvrage, "les Chemins égarés, géographie sociale des lieux de sexualité entre hommes" (éd. Le Bec en l'air, 2017), une expo et une création radiophonique diffusée sur France-Culture.
Le livre contient un texte de l’écrivain Mathieu Riboulet ainsi qu'une postface de Laurent Gaissad, socio-anthropologue, auteur de plusieurs articles sur l'espace public de la sexualité, dont des enquêtes sur ces lieux de drague entre hommes qu'il a menées dans les années 1990-2000.
A l'occasion d'une intervention dans un colloque universitaire, Rue89 a rencontré Amélie Landry et Laurent Gaissad. Interview.
Rue89. Comment avez-vous trouvé ces lieux ?
Amélie Landry. C’est en lisant des textes évoquant ces lieux que je les ai découverts. Je ne savais pas qu’ils existaient avant d'entamer mon travail.
Pour mon premier voyage en France, j’ai fait une liste par région des endroits qui étaient bizarrement référencés sur internet. Puis certains hommes que j'ai rencontrés sur Internet m’ont amenée sur d'autres lieux... Il en existe tellement !
Laurent Gaissad. Un lieu de drague, où il n’y a que des dragueurs, en pleine nuit, c'est assez facile à repérer. C'est plus difficile quand il s'agit de lieux superposés à d'autres activités, en plein jour (une aire d’autoroute, des jardins périurbains).
Il y a des signes qui permettent de trouver ces endroits, mais on est susceptible de ne rien voir du tout sauf si, comme Amélie ou moi, on a passé suffisamment de temps sur les lieux pour détecter l’altérité, précisément là où on ne l’attend pas du tout. C'est un espèce de flair qu'il faut développer....
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