Les petits producteurs dénoncent avec virulence le « poids prépondérant des majors » qui, selon eux, contribue à mettre en péril la diversité du secteur.
Musique et écologie, même combat. Pour Emmanuel de Buretel, fondateur du label Because (Chris, Justice, Metronomy, Les Rita Mitsouko…) et président de la Société des producteurs de phonogrammes en France (SPPF), « la diversité est abîmée ». Alors que s’est achevé, vendredi 18 octobre à Paris, le Marché des musiques actuelles (MaMa), le producteur français dit redouter, dans un entretien au Monde, une « concentration effrénée sur le marché mondial ».
Chez les organisateurs de concert, « Live Nation et AEG ont tout raflé », déplore-t-il, ce qui rend difficile, pour un entrepreneur de spectacle indépendant, de programmer ses artistes dans de grands festivals. Idem pour les trois plates-formes dominantes de streaming (YouTube, Apple Music et Spotify) et les trois majors de la musique, filiales d’Universal, Warner et Sony.
« Les majors ne signent que des artistes de rap », affirme-t-il. Un phénomène qui se reflète dans le top 50 de Spotify. « Avec les algorithmes, cette tendance devient exponentielle », regrette-t-il. Au point que « les concours dans la cour d’école ne se jouent plus qu’entre Niska et Booba », observe-t-il, puisque les jeunes ne connaissent plus que ce type de musique.
« Les indépendants restent les garants de la diversité musicale », assure le président de la SPPF, qui regroupe 2 000 adhérents, essentiellement des TPE et des PME. Mais s’ils revendiquent 80 % de la production d’albums publiés chaque année dans l’Hexagone, leur part de marché reste bien en deçà de ce seuil (23,2 % pour les ventes physiques et 31 % pour le streaming en 2018, selon l’institut GfK.
Pour la Société des producteurs de phonogrammes en France, le système actuel est « inéquitable »
M. de Buretel stigmatise « le poids prépondérant des majors », qui ont la capacité d’imposer leurs conditions financières d’accès à leurs répertoires aux plates-formes en ligne. A ses yeux, les majors bénéficient d’un triple avantage concurrentiel : elles jouissent d’une implantation mondiale, profitent de rentes de situation grâce à leurs catalogues et cumulent les statuts de producteurs et d’éditeurs de musique.
Comment rendre le marché plus juste ? La SPPF milite en faveur d’une modification radicale du paiement des artistes diffusés sur les plates-formes de streaming, jugeant le système actuel « illogique et inéquitable ». Aujourd’hui, les artistes sont payés selon leur part de marché globale, ce qui concentre les revenus au bénéfice de quelques dizaines d’artistes et de titres musicaux, presque exclusivement de rap.
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