Les courants populistes détiennent plus de 20 % des voix dans dix pays d’Europe de l’Est, où ils mêlent promesses sociales et patriotisme économique depuis la crise de 2008.
Pour certains, c’est le principal héritage de la crise de 2008. Pour d’autres, il prend racine dans la lente montée des inégalités observée depuis les années 1970. Désormais, le spectre du populisme hante tous les continents, et ne cesse de prendre de l’ampleur. Aux Etats-Unis, le républicain Donald Trump rêve de construire un mur anti-migrants à la frontière mexicaine. Au Brésil, le président d’extrême droite Jair Bolsonaro, en fonction depuis le 1er janvier, promet de « libérer le pays du socialisme ». Sur le Vieux Continent, les élections européennes de mai verront s’affronter comme jamais les grands partis traditionnels et les mouvances souverainistes et populistes incarnées, notamment, par Viktor Orban, le premier ministre hongrois.
Dans ce grand chambardement politique, où les partis traditionnels sont balayés, l’Europe centrale fait figure de laboratoire. Le souverainiste Orban, admirateur revendiqué de Vladimir Poutine, dirige la Hongrie depuis presque neuf ans déjà, tandis qu’en Pologne les conservateurs eurosceptiques de Droit et justice (le PiS) sont au pouvoir depuis 2015. En République tchèque, le milliardaire Andrej Babis, surnommé le « Trump tchèque », a pris la tête du gouvernement fin 2017. En Bulgarie, le gouvernement conservateur repose sur une coalition avec les « Patriotes unis », regroupant des nationalistes. Une liste à laquelle s’ajoute, dans une moindre mesure, la Slovaquie, où le parti du populiste Robert Fico (classé à gauche) participe au gouvernement.Ou encore l’Autriche qui, si elle n’appartient pas à l’ancien bloc communiste, est aujourd’hui dirigée par une coalition entre conservateurs et extrême droite.
Au total, les courants populistes détiennent plus de 20 % des voix dans dix pays d’Europe de l’Est. En 2000, seuls deux d’entre eux étaient concernés. « Ils sont de nature très différente d’un pays à l’autre, et sont souvent mal compris à l’Ouest », analyse Jacques Rupnik, historien spécialiste de la région au Centre d’études et de recherches internationales de Sciences Po(CERI). Tous prétendent défendre la souveraineté du peuple contre le « carcan » de la démocratie libérale, avec une forte coloration identitaire et culturelle. Mais s’ils se rejoignent dans ce nationalisme et ce rejet des élites, quel rôle y joue l’économie ? Pour le savoir, il faut remonter dix ans en arrière.« La crise de 2008 a également joué un rôle de catalyseur, mais pas de la même façon qu’à l’Ouest », ajoute Dominik Owczarek, de l’Institut des affaires publiques, un think tank indépendant de Varsovie.
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