Il a su conjuguer une carrière au cinéma (80 films) et une autre au théâtre (50 pièces). L'un des derniers Tontons flingueurs s'est éteint à 88 ans.
"Anxieux optimiste", c'est ainsi qu'il aimait se présenter. Optimiste, sans aucun doute : il suffisait de le voir entrer sur scène, armé de ses petits yeux bleus et de son sourire espiègle, pour en être convaincu. Pour l'anxiété, il faudrait chercher plus loin, dans les coulisses du personnage, là où les plus grands rôles d'une carrière se houspillent et se répondent. "J'ai eu la chance à mes débuts de ne pas être engagé par la Comédie-Française mais sur les Boulevards. J'y jouais trois pièces par an et, pour se faire connaître des critiques, c'est bien mieux que de jouer une seule pièce qui reste trois ans à l'affiche !" Lorsqu'il évoquait son parcours, Claude Rich, décédé jeudi soir à l'âge de 88 ans des suites d'un cancer à son domicile en région parisienne, revenait irrésistiblement vers ses jeunes années. L'angoisse du petit Parisien qui, quoique n'étant pas du sérail, rêve de faire carrière sur les planches.
Celle-ci commence pourtant dans une banque, où le jeune Claude, 17 ans, s'ennuie ferme. Son père est mort de la grippe espagnole alors qu'il n'avait que cinq ans. Et sa mère, qui élève seule ses quatre enfants, a besoin que son fils travaille. "Je passais des heures à regarder par la fenêtre et j'apercevais des gens qui paressaient au soleil, confiera-t-il quelques années plus tard. C'est ce qui m'a donné envie de faire du théâtre. J'ai voulu être un gars qui pouvait fumer des cigarettes à 3 heures de l'après-midi sur un banc !" Il s'inscrit alors aux cours du soir de Charles Dullin, passe le concours d'entrée au Centre du spectacle. Et lit Céline, à qui il sera reconnaissant toute sa vie. "C'est grâce à Céline que j'ai voulu être acteur, grâce à Mort à crédit, aimait-il raconter. Ma vie n'était pas aussi misérable que celle qu'il décrit, mais cette enfance ressemblait à la mienne et, ainsi écrite, elle devenait de l'art. J'ai compris que l'horreur pouvait se transformer et je me suis dit que si, un jour, moi aussi j'y arrivais, ma vie de petit orphelin ne paraîtrait pas si triste."
"Tout nous était permis, nous avions tous les droits"
Il réveille alors sa mère en pleine nuit pour lui faire part de son envie d'entrer au conservatoire : "Si je suis reçu, j'aurai une bourse, je serai nourri et les cours seront gratuits." Fini, la banque et le rideau de fer, vive le théâtre et le rideau rouge. C'est au conservatoire, dans la classe du merveilleux Georges Le Roy, que Claude Rich rencontre alors sa "bande", qui bientôt ne le quittera plus. Jean-Paul Belmondo, Annie Girardot, Bruno Crémer, Jean-Pierre Marielle, Jean Rochefort... Il avait conservé de cette époque d'après-guerre une émotion très forte : "Tout nous était permis, nous avions tous les droits, celui de regarder les filles, de nous amuser en jouant des personnages qui n'étaient pas nous, de faire rire nos copains."
Puis viennent les choses sérieuses. René Clair le repère sur les Boulevards et lui offre son premier rôle au cinéma. Il fera deux autres films avec lui et délaissera souvent le théâtre pour tourner avec les plus grands. Avec Michel Deville, Claude Chabrol, Henri Colpi, René Clément, François Truffaut, Georges Lautner, Jean-Pierre Mocky, Édouard Molinaro, Alain Resnais, Michel Audiard, Pierre Granier-Deferre, Valérie Lemercier, Danièle Thompson... Une filmographie à l'image d'une très longue liste de réalisateurs qui lui font alterner drames sociaux ou historiques, comédies, policiers, romances et fantastique. Il affectionne tout particulièrement les rôles historiques, qui lui permettent de "montrer les doutes, la vérité des hommes de pouvoir". Il sera ainsi Léon Blum, Mazarin, Talleyrand, Voltaire, le général Leclerc ou encore Althusser.....
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