L’ancien secrétaire d’Etat au budget et le journaliste d’« Alternatives économiques » prônent le retrait de la réforme actuelle. Ils plaident, dans une tribune au « Monde », pour un régime unique prenant en compte les critères de pénibilité et garantissant le niveau de vie relatif des retraités au cours des prochaines décennies.
Tribune. Malgré deux ans de « concertation », dont on se demande à quoi elle a bien pu servir au vu du gâchis actuel, le projet de réforme des retraites ne rencontre aucun consensus. Au contraire, le grand chamboulement proposé s’est révélé d’autant plus anxiogène qu’aucun chiffrage détaillé de ses effets n’est disponible : aucune des mesures proposées n’est chiffrée, aucun tableau d’équilibre n’est fourni, aucun simulateur précis n’existe.
Le gouvernement a réussi l’exploit d’accroître les doutes de la population quant à la soutenabilité de notre système de retraite au moment même où celui-ci revenait à l’équilibre, et alors que son avenir ne semblait nullement menacé. Et cela d’autant plus que les ressources du Fonds de réserve des retraites (FRR) sont significatives et que l’arrêt prochain de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) va dégager, sans prélèvement nouveau, des ressources potentielles supplémentaires d’environ 20 milliards d’euros par an.
Après les ordonnances travail et le mouvement des « gilets jaunes », ce projet a, une fois de plus, plongé le pays dans une crise sociale grave et prolongée. Il a suscité la défiance de la plupart des partenaires sociaux, même les mieux disposés à l’égard du gouvernement. Grâce aux institutions dysfonctionnelles de la Ve République, le premier ministre pourrait sans doute passer en force et faire adopter sa réforme par une Assemblée nationale aux ordres, mais la sagesse recommande plutôt de retirer ce projet mort-né.
S’en tenir au statu quo serait insatisfaisant
Pour autant, s’en tenir au statu quo serait insatisfaisant au vu des insuffisances du système actuel. Certaines des intentions du projet, notamment l’unification progressive du système de retraites, méritent d’être poursuivies, de manière plus progressive et moins conflictuelle.
Il s’agirait tout d’abord d’intégrer l’ensemble des salariés du privé et du public, ainsi que les non-salariés, au sein d’un système unifié de retraite de base, en tenant compte, comme aujourd’hui, des annuités de cotisation pour l’ouverture des droits, et en calculant les pensions comme un pourcentage des revenus des meilleures années.
Pour permettre l’intégration du secteur public, il conviendrait cependant de réduire fortement la période des vingt-cinq meilleures années prise aujourd’hui comme référence dans le secteur privé. Il faudra également indexer les rémunérations passées sur l’évolution des salaires pour le calcul des pensions et les faire évoluer ensuite en fonction de ces mêmes salaires, comme le propose le projet de réforme actuel.
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