Les listes américaines et chinoises de produits appelés à être soumis à des droits de douanes en disent long sur l'agenda politique des deux adversaires commerciaux.
Des listes qui valent des milliards. Washington et Pékin sont entrés, depuis quelques jours, dans une course à qui va taxer le plus de produits exportés par l’autre. Les États-Unis ont annoncé, mardi 19 juin, leur volonté d’imposer des droits de douanes sur des exportations chinoises d’une valeur de 200 milliards de dollars. Une menace en réponse à la décision de Pékin de viser 34 milliards de dollars d’exportations américaines, qui a, elle-même, été prise après l’annonce de l’administration Trump de taxer 50 milliards de dollars de produits “made in China”.
Derrière ces montants qui s’empilent comme autant de cartouches pour la guerre commerciale à venir, il y a des listes de centaines de produits. Rendues publiques par les deux administrations, elles sont censées démontrer la capacité de chacun de frapper l'autre où ça fait mal. Elles révèlent aussi, du moins du côté américain, que les pressions politiques ont joué un rôle dans le choix des biens à taxer.
Produits agricoles vs produits high-tech
Pékin a ciblé essentiellement des produits agricoles et piscicoles. Quel est le point commun entre le saumon et le soja ? Ils proviennent tous les deux, comme la plupart des autres exportations “listées, d’États majoritairement ruraux qui votent traditionnellement pour les républicains”, note le China Law blog, un site spécialisé dans l’analyse des lois chinoises.
Donald Trump n’a, quant à lui, pas faire mystère de son but avec ses taxes douanières : affaiblir les secteurs de l’économie chinoise jugés prioritaires par Pékin dans le cadre du plan “Made in China 2025”, qui vise à faire du pays le leader mondial dans certains domaines technologiques. C’est ainsi que tout ce qui a trait à la robotique ou aux batteries électriques sera soumis aux taxes à l’importation de 10 %.
Mais la liste américaine est tout aussi révélatrice des intentions de Washington par les produits qui ne s’y trouvent pas… ou plus. Une première version du catalogue de sanctions américaines, publiée en avril, contenait 1 333 entrées, tandis que la deuxième – après “consultation avec des experts” – a été réduite à 818 biens importés destinés à être taxés.
Lance-flammes vs Harley Davidson
Cette révision à la baisse des ambitions américaines prouve que la NRA (le lobby américain des armes) susurre toujours efficacement à l’oreille présidentielle, comme l’a constaté le site Quartz. Toutes les armes qui étaient inscrites dans la première liste ont disparu de la mouture définitive. Les Américains pourront toujours s’équiper de “lance-flammes, grenades, pistolets, lunettes de visée pour fusil ou encore munitions d’origine chinoise”, sans avoir à payer plus cher.
D’autres modifications semblent avoir été motivées par des considérations de politique intérieure américaine. Ainsi, la plupart des importations de motos ou mobylettes chinoises ne seront finalement plus taxées, sauf les plus grosses cylindrées... qui sont des concurrentes directes des Harley Davidson, fabriquées dans le Wisconsin, d’où vient le président républicain de la Chambre des représentants, Paul Ryan.
D’autres modifications à la liste initiale démontrent aussi à quel point les États-Unis peuvent dépendre de la Chine dans certains secteurs. Ainsi, la plupart du matériel médical importé de Chine ne sera finalement pas taxé. La biotechnologie est, pourtant, l’un des axes prioritaires du plan “Made in China 2025”. Mais, l’administration Trump a dû se rendre à l’évidence : elle n’a pas d’alternatives valables aux défibrillateurs, prothèses auditives, pilules contraceptives ou encore équipements dentaires chinois.