Le viticulteur Xavier Planty dénonce, dans une tribune au « Monde », l’introduction en France de cépages résistants au mildiou qui, à terme, risquent de mettre en péril le patrimoine des vignes en modifiant l’intégrité de nos AOC.
Tribune. Face à la pression sociétale contre les pesticides et face aux défis du réchauffement climatique, les pouvoirs publics et certains syndicats de vins d’appellation d’origine contrôlée (AOC) engagent d’importants moyens financiers et déploient leur lobbying pour favoriser l’introduction de cépages hybrides résistants. Cette solution signe à terme la mort de nos AOC.
Un peu de botanique est nécessaire pour comprendre en quoi cette approche peut s’avérer destructrice à plusieurs titres. A l’origine de notre vigne, on trouve Vitis vinifera, une espèce européenne qui a donné naissance à près de 5 000 variétés de cépages. En France, on en dénombre quelque 250 dont, parmi les plus utilisés, le merlot, le grenache, le syrah pour les rouges ou l’ugni et le sauvignon pour les blancs.
Malheureusement, notre vigne de prédilection n’est pas résistante au mildiou, ni à l’oïdium, au contraire d’espèces sauvages venues d’Amérique. L’idée a donc germé de croiser notre espèce, domestiquée depuis des siècles, avec une autre, Vitis muscadinia, fière sauvage qui arrive tout droit du sud-est des Etats-Unis où elle fait merveille dans les climats chauds et humides. L’objectif étant de rendre résistante notre Vitis vinifera en l’hybridant avec sa cousine d’Amérique.
Mais ce choix se heurte à une question génétique de base : Vinifera et Muscadinia sont deux espèces différentes et leur croisement ne peut engendrer que de la stérilité. Comme elles ne peuvent être fécondées avec leur parent direct, il faut les croiser à plusieurs reprises avec des lignées très éloignées qui, inévitablement, vont faire perdre ses caractéristiques au cépage d’origine. Faisons l’expérience avec un cabernet sauvignon, cépage emblématique du Bordelais.Au bout de l’aventure, Vitis vinifera, en dernier croisement, pourra ne représenter que 1,56 % de la variété obtenue et au mieux 50 %.
Apprentis sorciers
Quel sera alors le goût de ce descendant ? Comment peut-on espérer préserver la typicité d’un vin dont le cépage d’origine est ainsi diminué voire quasi disparu ?
Aujourd’hui, le monde a enfin pris conscience de l’importance majeure de préserver la biodiversité : en France, nos plus anciens cépages sont désormais sauvegardés dans des conservatoires pour ne pas voir s’éteindre les variétés locales et notre patrimoine génétique viticole. Pourtant, ces apprentis sorciers mettent en danger l’incroyable diversité de ce patrimoine.
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